Séries et géopolitique : comprendre le monde par la fiction

Partagez-moi

La géopolitique fait peur. Elle semble complexe, truffée de cartes, de conflits, de stratégies nébuleuses, réservée aux experts. Pourtant, elle s’infiltre partout : dans nos vies, dans nos débats, dans nos écrans. Et de plus en plus, dans nos séries. Deux ouvrages parus à quelques années d’écart en offrent la preuve éclatante : La géopolitique des séries ou le triomphe de la peur de Dominique Moïsi (Flammarion, 2017) et J’assure en géopolitique grâce aux séries de Virginie Martin et Anne-Lise Melquiond (De Boeck Supérieur, 2023). Deux approches différentes, deux tonalités distinctes, mais un même constat : les séries ne racontent pas seulement des histoires, elles cartographient nos angoisses, nos tensions, nos fractures.

Quand la fiction capte l’air du temps

Dominique Moïsi ne s’embarrasse pas de définitions académiques. Il observe. Il analyse. Il décortique. Et ce qu’il voit dans les séries post-11 septembre, c’est une montée brutale de la peur. Peur du chaos (Game of Thrones), peur du terrorisme (Homeland), peur de la fin de la démocratie (House of Cards), peur de l’autre (Occupied). Peur d’un ordre ancien qui vacille (Downton Abbey).

Pour Moïsi, les séries sont les sismographes émotionnels de notre temps. Le propos est limpide : les séries nous parlent du monde tel qu’il est… ou tel que nous le percevons. Elles ne se contentent pas de refléter l’actualité. Elles façonnent notre compréhension des événements, de l’histoire, des puissances. En cela, elles sont politiques. Et donc géopolitiques. Avec une bonne touche de soft power ?

Pédagogie pop : apprendre la géopolitique avec Netflix

Côté De Boeck, le ton est plus didactique, mais tout aussi percutant. Dans J’assure en géopolitique grâce aux séries, Martin et Melquiond partent des séries que tout le monde connaît (ou presque) pour enseigner les grandes notions géopolitiques contemporaines. Ici, The Crown devient une leçon sur la décolonisation, Fauda un décryptage du conflit israélo-palestinien, Borgen un miroir des enjeux écologiques, Narcos une plongée dans la géoéconomie des cartels.

Le tout est organisé en 15 chapitres clairs, assortis de définitions, cartes, dates clés. Ce n’est pas un gadget pédagogique, mais un outil sérieux, bien structuré, qui permettra aux étudiants comme aux curieux de s’approprier un savoir qui peut sembler aride. Grâce à la familiarité des séries, la géopolitique devient ainsi accessible. Et surtout, elle prend du sens, de la consistance.

Deux visions, un même objectif : rendre le monde lisible

Ces deux livres se complètent admirablement. Moïsi livre une lecture émotionnelle du monde à travers le prisme des récits télévisés. Martin et Melquiond offrent une grille de lecture analytique, avec rigueur et méthode. Ensemble, ils montrent que :

  • Les séries sont des instruments de compréhension du monde.
  • Elles reflètent les rapports de force, les fractures culturelles, les dynamiques géostratégiques.
  • Elles véhiculent aussi des idéologies, des peurs, des récits d’identité ou de puissance.

Pourquoi c’est crucial aujourd’hui

Dans un monde en mutation rapide, où les conflits se multiplient, où les alliances changent, où l’info se dilue dans les réseaux, maîtriser la géopolitique n’est plus une option. C’est une nécessité.

Non pour devenir expert en stratégie militaire, mais pour :

  • comprendre ce qui se joue entre les lignes des journaux (ou des tweets),
  • repérer les dynamiques de pouvoir derrière les discours,
  • décrypter les récits géopolitiques cachés dans nos divertissements.

Et si les séries peuvent nous y aider, pourquoi s’en priver ? À condition de garder un œil critique, de ne pas confondre fiction et réalité, et de croiser les regards. Ce que font, chacun à leur manière, Moïsi, Martin et Melquiond.

En conclusion : binge-watcher le monde ?

Oui, on peut apprendre en regardant des séries. À condition de savoir ce qu’on regarde, et pourquoi. Les séries ne sont pas neutres. Elles racontent le monde – ou du moins, une vision du monde. Les décrypter, c’est apprendre à penser, à questionner, à résister aussi.

Alors, que vous soyez fan de Narcos, de The Handmaid’s Tale, de Fauda ou de Succession, ces deux livres sont là pour vous tendre une boussole. Et vous rappeler que dans chaque épisode, il y a bien plus qu’un rebondissement : il y a un morceau du réel à déchiffrer.

Et plus si affinités ?

Vous avez des envies de culture ? Cet article vous a plu ?

Dauphine De Cambre

Posted by Dauphine De Cambre

Grande amatrice de haute couture, de design, de décoration, Dauphine de Cambre est notre fashionista attitrée, notre experte en lifestyle, beaux objets, gastronomie. Elle aime chasser les tendances, détecter les jeunes créateurs. Elle ne jure que par JPG, Dior et Léonard.