Pédoprédateurs piégés sur Internet : « ça ne te dérange pas que j’ai 12 ans ? »

« Ça ne te dérange pas que j’ai 12 ans ? » : cette question, Holska, Mishka et Tynla vont la répéter, encore et encore, 10 jours durant. À chaque connexion, à chaque échange par webcam interposée. A chaque fois, leur interlocuteur répond « Non ». Un non suivi de demandes sexuelles, de propos dégradants, de menaces parfois. Voici la stratégie au cœur du documentaire Pédoprédateurs piégés sur Internet. 90 minutes d’enquête qui va vous coller une nausée carabinée.

Un documentaire en mode « action »

À l’origine de ce projet qu’on pourrait trouver borderline de prime abord, les réalisateurs tchèques Vit Klusak et Barbora Chalupova. Ils partent de deux statistiques : 1 enfant tchéchoslovaque sur 2 échange avec des personnes inconnues rencontrées sur les réseaux sociaux ; 1 sur 5 accepterait de rencontrer ces quidams in real life. Des chiffres affolants, sordides. Mais que se cache-t-il derrière exactement ?

Pour en savoir plus sur ce phénomène, les deux documentaristes sont passés en mode « action ». Ils engagent trois actrices majeures au physique juvénile. Méthode :

  • inventer trois identités d’ados, avec des vies, des passions, des environnements spécifiques ;
  • créer les faux profils correspondants sur différentes plateformes type Facebook ;
  • placer les trois actrices devant les webcams d’ordis sagement posés sur leurs bureaux ;
  • attendre.

Superviser le cauchemar

Ils n’attendent pas longtemps. À peine validés, les profils attirent des dizaines de demandes de contact. Et à partir de là, c’est le cauchemar. Un cauchemar encadré, supervisé fort heureusement, vu le trauma psychologique engendré par chaque échange. De l’autre côté de ces chambres de petites filles soigneusement scénographiées pour donner le change en facecam, toute une équipe s’affaire, les réalisateurs bien sûr, mais aussi les techniciens, un sexologue, un juriste, la directrice d’un centre d’aide d’urgence pour mineurs.

Entourées, épaulées, les trois actrices sortiront très secouées de cette expérience ô combien éclairante sur les dérives de prédateurs sans aucune limite sinon la peur de se faire choper en flagrant délit. On imagine le dégât psychique sur des gamines (et des gamins, les garçons n’étant probablement pas épargnés par cette traque) sans défense, candides, incapables de dire non, et qui, quand elles font mine de refuser les propositions de leur agresseur, sont insultées, menacées, harcelées, soumises à un chantage intolérable.

Évacuer toute ambiguïté

La souricière mise en place dans ce documentaire a le mérite de révéler les mécanismes pour le moins pervers mis en place par ce type d’individus afin de piéger leurs proies. Des proies d’autant plus faciles à manipuler qu’elles sont offertes sur un plateau d’argent par des plateformes social media peu désireuses de sévir, de peur d’amoindrir leurs taux de fréquentation et les recettes publicitaires qui vont avec. Pourtant, les actes de ces prédateurs tombent sous le coup de la justice, et de nombreuses façons. Sans jamais pouvoir agiter la vieille excuse « mais elle était consentante, elle m’a aguichée, elle m’a séduite » et autres blabla d’une mauvaise foi crasse.

Pour éviter ce type de réaction, les réalisateurs ont justement bien pris garde d’évacuer toute ambiguïté. Le cadre de communication est posé en amont, les réponses des filles monitorées en direct. AUCUNE dérive n’est tolérée. Ce qui rend la violence verbale et psychique des interlocuteurs d’autant plus inacceptable. Et l’anxiété du spectateur de monter de plusieurs crans. Car nous sommes tous concernés. Biberonnés au smartphone dès le berceau, nos enfants constituent des cibles faciles, sans forcément que parents et proches réalisent le danger quand il est là, les gosses étant trop honteux pour en parler ouvertement.

Pédoprédateurs piégés sur Internet en apporte la preuve concrète. La justice s’est saisie de ces images révoltantes afin de poursuivre les agresseurs. Reste à déterminer comment protéger nos petits : les priver d’écran ? Les sensibiliser en amont ? Renforcer la surveillance sur les réseaux ? Contraindre les professionnels à l’action ? On se sent démuni face à cette démonstration sans appel. C’est justement le but que de générer une prise de conscience sans équivoque pour agir AVANT que la catastrophe n’arrive.

Et plus si affinités

Vous pouvez visionner le documentaire Pédoprédateurs piégés sur Internet sur le site d’ARTE.

Delphine Neimon

Posted by Delphine Neimon

Fondatrice, directrice, rédactrice en chef et rédactrice sur le webmagazine The ARTchemists, Delphine Neimon est par ailleurs rédactrice professionnelle, consultante et formatrice en communication. Son dada : créer des blogs professionnels. Sur The ARTchemists, outre l'administratif et la gestion du quotidien, elle s'occupe de politique, de société, de théâtre.

Website: https://www.theartchemists.com