La Fabrique des pures meufs : Juliette Dragon à nu

Un euphémisme ? Voici trois décennies que la papesse du burlesque à la française s’effeuille avec grâce, énergie et détermination, entraînant dans son sillage cette fabrique des pures meufs dont elle titre son autobiographie. Car cette carrière dédiée à la scène, cet «itinéraire d’une artiste hors normes» offre bien plus que du simple divertissement. «Rock, burlesque, féminisme» : le programme est clair et il devrait en séduire plus d’un.e.

Portrait d’une fonceuse

Portrait donc d’une fonceuse en mode punk, depuis le berceau jusqu’à aujourd’hui. 50 années ancrées dans une enfance entre cauchemar et merveille, une ado poussée trop vite, belle, attirante, au physique hors normes mais fascinant, cultivée, surdouée, créative, curieuse de tout et surtout d’une émancipation qui va passer par la case liberté fracassante et expérimentations borderline. «Pourquoi les filles croient-elles qu’elles doivent endosser les codes de la séduction hétéro-patriarcale pour s’intégrer pleinement ?» En racontant comme Juliette est devenue Dragon, l’autrice évoque les différentes strates d’une mutation libératoire dont toutes et tous pourraient s’inspirer.

Transgressive, initiatrice, rigoureuse, la fondatrice des soirées Surprise Party, du Paris Burlesque Festival, du Cabaret et de l’École des Filles de Joie, sans compter bien d’autres events, explique, au travers de ce récit rétrospectif, pourquoi elle a créé ces entités, comment elle y fonctionne, quelle vision de la société elle y transmet. Sa méthode, son regard, sa fonction : l’exposé est d’une discipline quasi militaire. Héritage d’un grand-père officier ? De son passage dans différents collectifs LGBT où elle a appris les codes de la féminité comme d’autres font leurs classes au très sévère et exigeant Bolchoï ? Pour celles et ceux qui s’attendaient à une histoire de conte de fée, oubliez.

Un bilan à 360°

Très factuelle, distancée face à ses souvenirs, en apparence du moins, Juliette Dragon la bosseuse infatigable ne laisse l’émotion émerger qu’en de rares occasions. Quand elle évoque son compagnon, Seb Le Bison, par exemple. Sans fard ni fausses pudeurs, elle raconte, avec une plume qu’on devine transie de peur, décidée néanmoins, ce parcours enrichi de traumatismes comme de belles rencontres. Enrichi, le mot est voulu. Car ces pages illustrent parfaitement comment on peut bâtir sur la souffrance qu’on transcende, et de manière éclatante. Pas une vengeance, peut-être une revanche, certainement une résilience.

Et un positionnement fidèle, constant, ancré. J’ai rencontré Juliette Dragon plusieurs fois, je l’ai interviewée, observée lors des soirées qu’elle organisait alors à La Bellevilloise. Ce qu’elle revendiquait, ce qu’elle véhiculait, les conceptions, les principes qu’elle défendait, la confiance, la puissance, la quiétude qui émanaient d’elle se retrouvent intactes, dans chacune de ces phrases, écrites avec tant d’appréhension. Passé, présent, avenir, La Fabrique des pures meufs offre un bilan à 360°, lucide et joyeux, d’une vie qu’on prend en main, une sorte de compte rendu solaire, une projection limpide sur le futur. Car quand on est Juliette Dragon, on va toujours de l’avant.

Delphine Neimon

Posted by Delphine Neimon

Fondatrice, directrice, rédactrice en chef et rédactrice sur le webmagazine The ARTchemists, Delphine Neimon est par ailleurs rédactrice professionnelle, consultante et formatrice en communication. Son dada : créer des blogs professionnels. Sur The ARTchemists, outre l'administratif et la gestion du quotidien, elle s'occupe de politique, de société, de théâtre.

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