Galilée ou l’amour de Dieu : n’est pas Galilée qui veut ?

Il y a peu, nous apprîmes avec stupeur par la bouche d’une de nos ministres qu’aller faire acte de débat politique dans un talk show célèbre bien que controversé était innover à l’égal d’un Galilée. Il nous fallut quelques minutes pour retrouver notre souffle après nous être partiellement étouffée de stupeur. Galilée ? Le Galilée de la terre ronde qui tourne autour du soleil ? Nous parlions bien du même visiblement, mais pas avec la même conception du terme « innovation ».

Probablement parce que le contexte n’est pas le même, le sujet non plus ? Il faut savoir raison garder et pour nous rafraîchir la mémoire, en lieu d’une somme biographique longue et complexe, nous préférâmes revoir l’excellent Galilée ou l’amour de Dieu … et vous conseillons d’en faire autant pour éviter les analogies hasardeuses de certaines, et remettre les choses à leur place … en urgence. Car jouer les animatrices de micro brainstorming chez Touche pas à mon poste est une chose, défendre son œuvre et sa vie devant un tribunal inquisitorial en est une autre. Autrement plus ardue et dangereuse.

Car Galilée a bien failli y rester et n’a dû son salut qu’à l’abjuration que ses juges et ses proches lui ont arrachée, les uns par la menace, les autres par la prudence. Nous sommes à l’aube du XVIIeme siècle dans une Europe secouée par les découvertes scientifiques héritées de l’esprit humaniste, les conflits religieux, la montée de l’absolutisme. Menacée par le protestantisme, l’Église catholique compte reprendre la situation en main via la Contre Réforme. Tant pis alors pour les découvertes scientifiques qui mettent à mal sa version du monde, la seule qui doit exister.

Scientifique de renom protégé par les cardinaux les plus avant-gardistes, par le Pape lui-même, Galilée se retrouve bien malgré lui en première ligne de la recherche astronomique ; son approche, essentielle, doit amener à la vérité … tant que celle-ci demeure dans les limites fixées par Rome. Or ses études questionnent la vision universelle des Écritures. Comme Copernic et Giordano Bruno avant lui, le voici convoqué par un collège de prélats qui ont bien décidé de lui faire la peau. Mais peut-on stopper le savoir et la raison ?

Tout au long du téléfilm écrit par Claude Allègre et filmé par Jean-Daniel de Verhaegue, Galilée interprété par un Claude Rich flamboyant d’intelligence et de malice tient ses accusateurs (Daniel Prévost, Pascal Elbo et Frédéric van den Driessche, d’une cruauté et d’une bêtise absolues dans leurs rôles de religieux fanatiques) en respect, au cours d’une joute oratoire particulièrement tendue et éprouvante. Il joue sa vie, son travail, son âme, lui qui, croyant sincère, mène de front ses recherches et sa foi. A ce jeu, la science l’emporte … et le bon sens ?

Prudent, conscient qu’il affronte un mur d’ignorance, poussé par son entourage, par le Pape venu le raisonner en secret dans sa cellule (remarquable Jean-Pierre Marielle), Galilée cédera à la force : c’est qu’il est un pion dans un jeu diplomatique d’importance, à l’heure d’une grande mutation des consciences, d’une lutte pour équilibrer les pouvoirs à l’échelle de l’Europe et du monde. Et dans ce contexte, tout changement trop brutal serait synonyme de chaos supplémentaire. Donc il doit se taire ou mourir. Il se taira, pour mieux continuer ses recherches ultérieures … et passer à la postérité deux siècles plus tard, enfin reconnu comme père de la physique moderne.

On retiendra de ce récit particulièrement prenant l’art du dialogue et de la dispute qui nous font aujourd’hui tant défaut, la difficulté que les scientifiques ont à travailler ensemble par delà leurs différences culturelles et religieuses, le risque physique que représente la recherche face à l’obscurantisme, l’urgence qu’il y a à séparer connaissance et religion qui ne relèvent pas des mêmes domaines. Ce téléfilm superbement interprété n’a pas pris une ride, il demeure même un incontournable à l’heure du grand n’importe quoi médiatico-politique, où les éléments de langage ne veulent plus rien dire du tout.

Et plus si affinités

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Dauphine De Cambre

Posted by Dauphine De Cambre

Grande amatrice de haute couture, de design, de décoration, Dauphine de Cambre est notre fashionista attitrée, notre experte en lifestyle, beaux objets, gastronomie. Elle aime chasser les tendances, détecter les jeunes créateurs. Elle ne jure que par JPG, Dior et Léonard.