Fyre Festival : deux documentaires pour illustrer la grande escroquerie du rock’n’roll 2.0 !

Et on vous conseille vivement de visionner les deux en tir croisé car ils sont complémentaires et permettent de saisir la véritable portée de cette enième escroquerie du rock’n’roll à l’heure du digital roi. D’un côté donc Fyre: The Greatest Party That Never Happened signé Chris Smith et propulsé par Netflix, de l’autre Fyre Fraud mis en boite par Jenner Furst et Julia Willoughby et diffusé par Hulu : au centre le fiasco absolument impressionnant du Fyre Festival et ses retombées judiciaires, économiques, sociales, depuis quelques jours et la sortie de deux docs remis sur le devant de la scène avec brio.

Reprenons pour ceux qui n’auraient pas suivi : 2017, la planète fiesta est retournée par l’annonce d’un nouveau festival de luxe qui va renvoyer Coachella chez mamie. Pub ultra accrocheuse avec île de rêve, mer turquoise, yacht, alcool, mannequins et cochons nageurs + le rappeur Ja-Rule, véritable caution de cet event qu’il ne faut surtout pas manquer sinon on est UN GROS LOOSER QUI A RATÉ SA LIIIIIIIIIIFE !!!! La news se déverse sur les comptes des influenceurs, les réseaux sociaux, sur les pages des média, dans les journaux … et l’initiateur de cet ambitieux projet, le jeune et fringuant Billy McFarland de se frotter les mains, en voyant les places, offres d’hébergement, autres options paillettes partir comme des petits pains.

C’est que le millennial bon teint veut en faire partie de ce WE de rêve où il pourra être une star à côté des stars et tant pis si ça fout son compte épargne en l’air, on n’a qu’une vie qu’il ne faut pas louper sous le règne improbable de Trump ! La prog est ultra prometteuse, il y a des moyens, les instagrameurs les plus célèbres cautionnent, relaient, soutiennent : faut foncer … dans le mur ! Eh oui, monter un festival, c’est un métier ; on en sait quelque chose sur The ARTchemists, on les a vus bosser à longueur de backstages, les techos, les programmateurs, les financiers, les organisateurs, les bookeurs et consort, c’est un taff long, ingrat, chiant parfois, exaltant de temps à autre, mais certainement pas le fait de branleurs ni d’amateurs, encore moins de p’tits cons prétentieux qui veulent révolutionner l’industrie musicale depuis leur open space.

https://youtu.be/ljkaq_he-BU

C’était peut-être le cas au début de l’ère rock, quand tout fut bâti avec les légendes Woodstock, Altamont, Monterey, Wight et autres gigs titanesques et fous, mais aujourd’hui c’est game over, on a des pros pour ça, des pros aguerris, posés, conscients des enjeux … des pros quoi. Ce que McFarland, Ja-Rule et leurs petits potes de la tech en quête de reconnaissance semblent balayer d’un revers de la main en se marrant comme des veaux. Des veaux qui vont finir à l’abattoir, au milieu de tentes démolies, de matelas trempés, sans plus une thune et avec le FBI au cul. Et un orage monumental en prime, punition légitime des dieux du rock outragés dans leur divine prestance, eux qui savent ce qu’est la loose ultime, la déchéance dans la classe, l’autodestruction la plus sublime.

Ici rien de tout cela, on oublie la malédiction d’Altamont (et pourtant il y avait de quoi faire en mode fiasco), la folie destructrice des concerts punk, la ferveur des grosses machines comme Live Aid : on est face à une escroquerie, et des plus merdeuses encore, une simili chaîne de Ponzi mise en place par un Madoff en herbe qui surfe sur la folie social media pour vendre son truc dont il sait très bien qu’il ne verra jamais le jour. A ce titre, la personnalité de McFarland ferait presque peur : un sociopathe dont il conviendrait de scruter l’éducation pour mieux cerner ce besoin quasi pathologique de mentir, de briller et d’arnaquer, envers et contre tout. La question demeure : comment cela a-t-il pu arriver ? Les pros du secteur musical, journalistes, bookers, agents, labels ont pour certains détecté les signaux faibles de la cata, ont tenté d’avertir l’opinion, l’entourage de McFarland a essayé de lui faire entendre raison …

Rien n’y a fait, le festival a eu lieu dans les circonstances déplorables que l’on sait, les employés qui développaient l’application de booking Fyre y ont laissé leurs postes, les festivaliers y ont perdu leur argent de même que les investisseurs séduits par tant d’opportunités, les sponsors prêts à lâcher Coachella comme une merde car alléchés par cet événement si nouveau, si différent. Et là on tombe des nues : différent ? Une île, des yachts, des villas, de l’alcool, des belles gonzesses pas farouches à baiser dans des tentes ? Accessoirement des musiciens venus faire le live (les seuls à s’en être tirés au finish, aucun ne viendra sur site, le flair de l’artiste sans doute, surtout des cachets non payés à l’avance et des managers attentifs, heureusement il y en a). A ce stade, on a envie de demander à tout ce petit monde : vous êtes déjà allés en festival les gars ? Ou à Ibiza peut-être ? Sur les plages thaïlandaises ? Parce que depuis que ça existe, c’est toujours la même recette, vous savez ?

Pour info, les métalleux font la même chose avec la croisière 70000tons of metal, et ils le font bien mieux. Bref que retenir de cette aventure ? Que tout ce petit monde a oublié un truc : l’amour de la musique. Le respect de l’artiste. Le respect des professionnels qui les portent. Le respect du public également qui paie sa place et mérite au minimum la sécurité et le confort : des soins, de l’eau, des chiottes … la base quoi. Qu’un festoche ça ne se vit pas dans la soie et le champagne, c’est forcément roots, et on mesure la qualité de ses équipes à la manière dont elles gèrent l’inattendu, cette colère des dieux du rock qui font exprès de faire pleuvoir leur ire pour tester la foi des fidèles. Le Fyre Festival n’a rien de grandiose, c’en est même navrant de bêtise, un manque total d’ambition artistique, un vide intersidéral … restent ces deux docs particulièrement bien troussés qui centrent le débat, questionnent le devenir de la manifestation culturelle à l’heure des réseaux sociaux, sa véritable portée face à un public qui ne sait pourquoi il y participe.

Et plus si affinités

https://www.netflix.com/fr/title/81035279

https://www.hulu.com/movie/fyre-fraud-e47078f3-1c0e-49a8-9da9-c571a7a20fec

Padme Purple

Posted by Padme Purple

Padmé Purple est LA rédactrice spécialisée musique et subcultures du webmagazine The ARTchemists. Punk revendiquée, elle s'occupe des playlists, du repérage des artistes, des festivals, des concerts. C'est aussi la première à monter au créneau quand il s'agit de gueuler !