The Good Nurse – Meurtres sans ordonnance : il suffit d’un grain de sable dans la mécanique

film The Good Nurse - meurtres sans ordonnance

Nouveau true crime épinglé au fronton de l’enseigne Netflix : The Good Nurse – Meurtres sans ordonnance revient sur le dossier Charlie Cullen avec une narration chronologique, une pudeur surprenante et une atmosphère entre tension et émotion.

Tobias Lindholm aux commandes

Aux commandes de ce projet, un certain Tobias Lindholm, réalisateur danois à qui l’on doit entre autres la très belle et impressionnante série The investigation. Toujours dans l’épure et la tension, Lindholm déroule les différentes phases de cette « traque » dans une atmosphère bleutée et froide d’où les détails anatomiques et le spectaculaire gore sont évacués pour laisser place aux émotions. Un grand huit émotionnel, devrait-on dire, tandis que nous découvrons le visage ténébreux de Cullen par les yeux de sa collègue Amy Loughren.

D’abord enchantée par la présence de cet ami fidèle qui la soutient au quotidien face aux tracas professionnels, aux soucis familiaux, à la maladie cardiaque qui la menace au quotidien, Amy va progressivement s’interroger sur ces morts suspectes qui endeuillent son service. Les décès se multiplient, incompréhensibles. Et l’omerta opérée par la direction de l’hôpital n’aide guère à faire la lumière sur ce qui a bien pu advenir. Il faudra la rencontre avec un binôme de flics soupçonneux et tenaces pour qu’Amy réalise l’inconcevable, et se décide à agir.

Le moment clé de la révélation

Inspiré du livre de Charles Graeber, The Good Nurse: A True Story of Medicine, Madness, and Murder, le scénario se concentre donc sur ce moment clé de la découverte, de la révélation, sans vraiment fouiller le vécu du tueur, son parcours, ses potentielles motivations. L’objectif se focalise sur les relations entretenues par ces deux collègues devenus amis intimes, et le spectateur frémit tandis qu’il voit ce garçon étrange et dangereux découvrir les points faibles de la jeune femme, jouer sur son empathie et ses besoins, s’infiltrer dans son quotidien jusqu’à devenir indispensable.

Comment alors l’éloigner sans éveiller les soupçons et l’agressivité de cet assassin ? Comment le confondre ? Obtenir l’aveu de crimes intraçables, dont on ne peut prouver le mode opératoire ? Par petites touches, avec beaucoup de retenue et de discrétion, Lindholm donne à voir le questionnement, le doute, l’angoisse qui s’installe progressivement. Le tandem Eddie Redmayne / Jessica Chastain fonctionne à merveille pour installer cette atmosphère de conte de fée qui vire au cauchemar, exprimer l’étrangeté de cette relation où le curseur de la manipulation ne cesse de bouger.

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Exploiter les failles du système

Il y a ce que le film dit, qui semble d’ailleurs tellement dépouillé qu’il déconcerte de prime abord. Cette facilité avec laquelle une simple infirmière enquête, comment elle solutionne les problèmes. On a l’impression que c’est maladroit, précipité. C’est surtout qu’il suffit d’un grain de sable dans la mécanique pour que l’ensemble s’effondre. Ici, le grain de sable s’appelle Amy Loughren, et c’est un grain de sable qui décide d’agir face à l’inertie ambiante. Et c’est là que le film est particulièrement perspicace : dans un système hospitalier responsable, Cullen aurait été confondu et arrêté depuis longtemps.

Or, ce tueur en série auquel on attribue environ 400 victimes a pu assassiner impunément pendant des années en exploitant les failles d’un système de soins privatisés où les structures sont gérées comme des entreprises. Tout y est secret. De poste en poste, d’établissement en établissement, de ville en ville, Cullen a laissé derrière lui une traînée de cadavres ; les directions se sont contentées de le licencier sans jamais le dénoncer, par peur du scandale et des procès qu’elles auraient à subir si cette affaire avait été ébruitée. Du reste, et c’est précisé en conclusion du film, aucune n’a été poursuivie, ce qui est un comble, car beaucoup savaient.

Construit tout en finesse et en retenue, The Good Nurse – Meurtres sans ordonnance tranche avec le caractère habituellement spectaculaire des true crime made in Netflix. Si vous recherchez du scabreux et du saignant, ce n’est pas le film à voir. Mais si vous appréciez les ambiances à suspense visant à interroger à la fois les mystères des relations humaines et les dysfonctionnements d’une société, vous ne serez pas déçus. Soulignons par ailleurs l’interprétation frappante d’Eddie Redmayne. Bref, un film que Hitchcock n’aurait pas renié.

Et plus si affinités

Vous pouvez visionner le film The Good Nurse – Meurtres sans ordonnance sur le site de Netflix.

Delphine Neimon

Posted by Delphine Neimon

Fondatrice, directrice, rédactrice en chef et rédactrice sur le webmagazine The ARTchemists, Delphine Neimon est par ailleurs rédactrice professionnelle, consultante et formatrice en communication. Son dada : créer des blogs professionnels. Sur The ARTchemists, outre l'administratif et la gestion du quotidien, elle s'occupe de politique, de société, de théâtre.

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