Documentaire /Dub Inc : Rude Boy (success) Story, le report

Nous avons eu la chance d’assister comme une bonne centaine d’autres personnes à l’avant-première parisienne du film / docu Rude Boy Story qui relate les faits marquants de la carrière du groupe Dub Inc qui sévit depuis 1997.

Pour situer le contexte, Dub Inc est aujourd’hui plus que jamais le groupe locomotive d’une scène reggae francophone, qui a toujours avancé sur une voie parallèle au music business. Boudés par les médias d’un côté, épaulés par un tourneur et un distributeur indépendants de l’autre, ils maîtrisent la chaîne complète de leur activité sans jamais avoir laissé quiconque prendre des décisions pour eux. C’est au prix de ces sacrifices qu’ils viennent tout juste de boucler la tournée de leur 4ème album Hors Contrôle, traversant 27 pays, jouant devant des centaines de milliers de personnes sur tout type de scènes, de cafés concerts New-Yorkais ou en Inde, à la scène de la Fête l’Huma devant 90 000 personnes, en passant notamment par Bogota, Montreal, Budapest, Berlin, Madrid…

En 2008, Kamir Meridja, « jeune » réalisateur stéphanois, rencontre le groupe et propose de tourner un long métrage adapté pour le cinéma sur son histoire, avec la problématique suivante : Comment se fait-il qu’un groupe tel que Dub Inc, qui remplit des salles de concerts aux quatre coins du Monde et vend des dizaines de milliers de disques, ne soit pas suivi et soutenu par les grands médias ?

Peu à l’aise avec l’idée d’être suivis pendant une longue période (plus de trois ans de tournage), les membres du groupe ont accepté ce challenge et ont au fil du temps complètement intégré l’équipe de tournage et la caméra parmi eux. Au fil du temps, le réalisateur met en lumière la vie quotidienne du groupe face à ses réalités et ses contraintes que lui impose son choix de liberté. De concert en concert, les membres du groupe témoignent de leurs envies, leurs expériences, mais leurs doutes et leurs interrogations aussi.

Ce long métrage va finalement plus loin qu’un simple documentaire sur un groupe de musique et en y intégrant des entrevues avec différents « professionnels de la profession » parmi lesquels d’autres artistes, les pairs de Dub Inc (Sinsémilia, Tiken Jah Fakoli), des entrepreneurs du spectacle mais aussi les journalistes de ces mêmes grands médias qui ne parlent justement jamais du groupe. Parmi les tranches de vie qui sont également présentées dans ce film, on assiste à des situations tantôt touchantes, burlesques, impressionnantes et surprenantes parmi la diversité des lieux et des ambiances dans lesquelles le groupe se produit.

Le fond du film est donc vraiment digne d’un intérêt général pour le grand public à qui il est permis de s’insinuer dans les coulisses de la vie de musiciens, mais aussi pour l’ensemble des professionnels qui perçoivent ce message paradoxal entre le succès du groupe et le « boudage médiatique » qu’il subit. C’est aussi très intéressant pour tous les artistes de pouvoir constater qu’en faisant le choix de la liberté et de l’indépendance, bien qu’on se mette en marge d’un schéma marketing classique, on puisse tout de même tirer un profit maximum en relevant des challenges qu’aucun chef de produit ne permettrait ou n’autoriserait. C’est ainsi que Dub Inc a tracé sa route depuis 15 ans et s’est offert le luxe de jouer dans tant de pays.

Par ailleurs, Kamir Meridja signe son premier long-métrage qui est, sur la forme aussi, un coup de maître. La qualité des images et du montage alternant séquences musicales, témoignages et interviews dépasse les attentes du spectateur et est indéniablement adapté aux salles obscures.

Et sa démarche ne s’arrête pas seulement à la réalisation du film, mais aussi à sa production puisqu’il n’a été nullement soutenu financièrement par des subventions ou du mécénat et s’est confronté à la même réalité à laquelle est confrontée le groupe depuis ses débuts. Prenant de revers cette problématique, ils ont décidé de monter une structure en collaboration avec Dub Inc, dédiée à la production et l’exploitation du film, démarchant les cinémas salle par salle pour y vendre son oeuvre, alors que le schéma « classique » suit une logique de négociation d’une sortie nationale avec un nombre de salle et de diffusions dealé à l’avance.

Au fil des mois, le film est donc successivement sorti région par région dans des cinémas relevant également le challenge de soutenir un film indépendant, et s’impliquant donc intégralement dans l’histoire du film. Les spectateurs sont eux aussi sollicités pour entrer en contact avec leur cinéma local, faire la promotion du film, et par la même occasion permettre à ce dernier d’être diffusé encore plus, de toucher plus de spectateurs qui a leur tour feront fonctionner le bouche à oreille…

Ce film nous a donc complètement conquis, à la fois sur la démarche créative et artistique du réalisateur, qui met en exergue l’histoire d’un groupe pour le moins original et a la particularité d’être entré malgré lui complètement dans la démarche du groupe. Cela démontre à la fois le manque d’intérêt des arcanes du business que peut susciter l’indépendance d’un projet artistique, et d’un autre côté, le potentiel et la force qui se dégage par des personnes à la fois motivées, compétentes et convaincues que l’humain prime sur le financier. Une belle leçon de musique, de cinéma et de vie.

La sortie parisienne aura lieu au milieu du mois de décembre et à compter de cette date, il sera donc visible sur l’ensemble du territoire français. Vous retrouvez toutes les infos concernant le film sur www.rudeboystory.com et pour les premières projections en Ile-de-France, c’est juste en dessous :

– au cinéma la Clef (33 rue d’Aubenton, Paris 5ème) à partir du 12 décembre,

– à l’Entrepôt cinéma (7 rue F. de Préssenssé, Paris 14ème) du 12 au 19 décembre,

– au cinéma le Balzac (1 rue Balzac, Paris 8ème) les 14 et 15 décembre.

Et plus si affinités

www.dubinc.org

www.rudeboystory.com

Benjamin Ancel

Posted by Benjamin Ancel