Biennales(s) de danse du Val-de-Marne 1979/2019 : heuristique d’un berceau artistique

Lorsque nous l’avions rencontré, Daniel Favier nous avait exposé la portée de ce projet culturel d’envergure. Aujourd’hui le directeur de la Briqueterie célèbre les 40 ans d’un festival dont les enjeux dépassent le simple divertissement culturel. La Biennale de danse du Val-de-Marne a pris quatre décennies pour s’ancrer dans un territoire afin de défendre avec éclat les couleurs de la danse contemporaine. Plus qu’un pari, une véritable mission artistique dont le livre Biennales(s) de danse du Val-de-Marne 1979/2019 relate les temps forts.

Un moment phare de la discipline

Cet ouvrage magnifique, ponctué par les textes de Irène Filiberti et les clichés de Laurent Philippe, met en évidence les différentes fonctions de cette manifestation devenue un moment phare, une instance respectée de la discipline en France et en Europe. Initié par Michel Caserta au terme des années 70, le projet porte à l’origine sur un univers en friche mais qui ne demande qu’à prospérer pour exploser les frontières de la danse classique et inventer d’autres manières d’animer le corps.

Progressivement la biennale va constituer un point d’ancrage fort et fiable pour des troupes qui n’ont à la source aucun lieu de référence, aucun espace de travail. De chapitre en chapitre, nous voyons ainsi les grands noms de la danse contemporaine hexagonale actuelle émerger, s’imposer : Maguy Marin, Angelin Preljocal, Pedro Pauwels pour ne citer qu’eux, en repoussant les limites de la danse, inspirent une nouvelle génération de chorégraphes qui va également accoucher dans le berceau du festival.

Une forme active d’ exfiltration créative

La construction de la Briqueterie viendra consolider ce projet en mouvement perpétuel pour lui offrir un lieu défini où les troupes, françaises et étrangères, peuvent agir en commun et préparer la programmation de chaque nouvelle édition. Un lieu en dehors de Paris et des fleurons traditionnels de la culture : ainsi la danse se parachute dans la banlieue, initiant une forme active d’ exfiltration créative, échappant aux cercles intellectuels du savoir pour toucher des publics plus populaires qui s’inscrivent de plus en plus dans le parcours créatif.

Échange, dialogue, exploration, réflexion : la danse contemporaine dépasse la technique pour s’emparer des problématiques modernes et y apporter une réponse entre spectaculaire et intimité. D’année en année, les chorégraphies bousculent les codes, mêlant théâtre, chant, cirque, musique, performance … costumes, décors, sons, lumières, la conception du ballet se métamorphose jusqu’à envahir l’espace public, la ville, l’extérieur pour aller à la rencontre des particuliers, donner à voir les misères et splendeurs de notre environnement, réenchanter l’urbain.

La beauté plastique du geste

Réenchanter l’urbain, le monde, le quotidien … et dévoiler les beautés d’un corps toujours plus ostracisé alors qu’il demande urgemment à être libéré. L’enjeu est là, trahi par ces photographies splendides, figeant les mouvements en solo ou en groupe, sans jamais dénaturer leur ampleur, leur énergie, leur audace. Au fil du temps et des techniques qui passent, argentiques puis numériques, les clichés de Laurent Philippe collectés dans ces pages nous saisissent par ce qu’ils révèlent du sens de la composition, du travail du danseur, de la torsion des corps, du défi physique, de l’osmose avec les volumes, les formes, les couleurs …

On découvre, ébahi, qu’on peut chorégraphier de la colère, du chagrin, de l’attirance, des émotions dans des habits du quotidien, sur un plateau, sans rien perdre de la magie profonde de cette alchimie. La beauté plastique du geste engendre l’onirique, une poétique puissante, un enchantement renouvelé, qui trouve écho dans le nom même des pièces présentées, minimalistes, décalés, ironiques. L’équation se décline en autant d’imaginaires fougueux, qui s’emparent du monde sans complexe, avec avidité. La fougue … c’est probablement le mot à retenir concernant ce livre d’art somptueux, mais aussi cette discipline aux multiples visages et cette Biennale qui en porte l’esprit avec succès depuis quatre décennies.

Et plus si affinités

http://www.editions-scala.fr/livre/biennalee-de-danse-val-de-marne/

Dauphine De Cambre

Posted by Dauphine De Cambre

Grande amatrice de haute couture, de design, de décoration, Dauphine de Cambre est notre fashionista attitrée, notre experte en lifestyle, beaux objets, gastronomie. Elle aime chasser les tendances, détecter les jeunes créateurs. Elle ne jure que par JPG, Dior et Léonard.