Auschwitz : le massacre manufacturé

Ce titre ne vous rappelle rien ? Eh oui, lecteurs fidèles, nous singeons ici et à dessein l’appellation de la remarquable étude d’Alexandra Midal sur la carrière meurtrière d’H.H.Holmes. Dans certaines pages de cette analyse horrifico-pertinente intitulée La Manufacture du meurtre, l’auteure évoque l’ingénierie macabre du premier serial killer américain en la mettant en lien avec l’industrialisation du massacre des juifs dans les camps de la mort. Une divagation rédactionnelle ? Certes non, puisque la non moins remarquable enquête de Laurence Rees baptisée Auschwitz vient corroborer et compléter cette analogie.

Historique d’un complexe concentrationnaire

Avec une précision chirurgicale, le journaliste de la BBC déroule l’historique du tristement célèbre complexe concentrationnaire nazi pour donner à voir l’évolution du génocide, depuis la phase initiale des massacres jusqu’à l’industrialisation du gazage en batterie. Pour ce faire, il s’appuie, outre les archives existantes, sur les témoignages de témoins impuissants et de rescapés, juifs ou non, … et de bourreaux. Et la confrontation de ces points de vue est absolument sidérante. Car les tortionnaires SS ne font montre d’aucune honte, d’aucune pitié, justifiant encore et toujours leur geste.

Une manière percutante de saisir le mental d’une population visiblement au faite de la logique d’extermination à l’œuvre, qui la soutenait pour la plupart, y participait de loin en loin, affichant ouvertement un racisme, un antisémitisme décomplexé par l’arrivée d’Hitler au pouvoir, par les conquêtes militaires de ses troupes. l’argument phare de l’obéissance aux ordres prend ici un coup fatal dans l’aile, tandis qu’on voit les directeurs d’Auschwitz améliorer au quotidien les processus de mise à mort pour accroître le rendement … et protéger la psyché de leurs soldats initialement traumatisés par les boucheries qu’ils occasionnèrent.

Protéger la psyché des tortionnaires

Oui vous avez bien lu. Les gazages et les incinérations ne furent qu’une étape ultime d’un processus enclenché auparavant, aux premières heures des invasions militaires, où on exécutait sans pitié au fusil, au revolver, à la grenade ou à l’arme blanche, hommes, femmes, enfants et vieillards. Mais outre l’impact psychologique sur des assassins qui, endoctrinés, n’étaient cependant pas préparés à encaisser ce choc – tout le monde n’est pas psychopathe, comme purent l’être certains, dirigeants de camps, kapo, médecins SS … – Auschwitz témoigne, dans ces métamorphoses, d’une exigence capitaliste.

La déportation doit être rentable, on confisque TOUS les biens, les déportés encore à peu près valides après des mois de privation et de maltraitance dans les ghettos sont soumis à un travail exténuant jusqu’à ce que mort s’en suive, ils sont immédiatement remplacés par les nouveaux venus. Quant à ceux qui sont déjà trop faibles ou encombrants, ils sont exterminés dés leur débarquement sur le quai, les objets de valeur récupérés, les cheveux, les dents en or collectés, les vêtements réutilisés. Rien ne doit se perdre. Tout doit profiter à l’essor du Reich.

Optimiser un processus mortifère

Qui, il faut le reconnaître, manque d’organisation dans ses désirs d’épuration. Contrairement à ce qu’on nous explique en classe d’Histoire, la conférence de Wannsee en 1942 ne fut pas la source du génocide, juste une étape logistique visant à mettre de l’ordre et optimiser un processus mortifère déjà entamé, mais manquant cruellement de cadre … et de visée financière. Des infos de ce genre, le livre en regorge qui pointe par exemple la manière dont la Hongrie a traité sa population juive, … ou Guernesey. Qui explique comment le nazisme a façonné l’idée du « problème juif » pour mieux apporter la solution finale.

Que vous dire de plus sinon que chaque page de ce bouquin passionnant va vous plonger un peu plus dans une horreur qui n’a rien de fictionnel, et dénonce le degré de bassesse intellectuelle et morale qu’une population endoctrinée peut atteindre. C’est ce mécanisme hautement pervers et d’une hypocrisie sans nom qui ressort de cette étude, en parallèle du démembrement d’une intendance absurde et sordide, qui place le massacre au cœur d’un processus de manufacturation déshumanisant et odieux.

Et plus si affinités

https://www.livredepoche.com/livre/auschwitz-9782253120964

Delphine Neimon

Posted by Delphine Neimon

Fondatrice, directrice, rédactrice en chef et rédactrice sur le webmagazine The ARTchemists, Delphine Neimon est par ailleurs rédactrice professionnelle, consultante et formatrice en communication. Son dada : créer des blogs professionnels. Sur The ARTchemists, outre l'administratif et la gestion du quotidien, elle s'occupe de politique, de société, de théâtre.

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