La Conférence : solution finale et prise de pouvoir

Déjà le téléfilm Conspiration avait abordé le sujet, suscitant la nausée chez le spectateur. La Conférence reprend le même sujet, à savoir le déroulement de la tristement célèbre conférence de Wansee, soit deux heures en tout et pour tout pour planifier la mise à mort de millions de Juifs européens. Même sentiment d’horreur, plus poussé encore : tourné en allemand avec un casting allemand, Die Wannseekonferenz de Matti Geschonneck est d’une dureté impressionnante, intolérable. C’est d’ailleurs l’effet recherché.

Participer à la « Solution finale »

La froideur et pas seulement dans l’atmosphère glaciale qui transforme la somptueuse villa de Marlier et ses alentours en palais des neiges. Tandis que les préparatifs s’accélèrent dans le plus grand secret, les pontes du pouvoir nazis arrivent dans ce lieu enchanteur. Et déjà, on sent les tensions, les rivalités, les frictions latentes.

Derrière les sourires convenus, les politesses d’usage, la courtoisie prussienne, les couteaux sont tirés. Le sort des onze millions d’innocents que Heydrich, adjoint et conseil redouté d’Himmler, se propose de liquider importe peu aux participants de cette conférence de l’horreur ; ce que chacun veut, c’est participer à la « Solution finale » pour protéger son territoire, en tirer de la gloriole, un peu plus de pouvoir.

La main mise sur l’Europe

Geschonneck donne à voir cette soif de puissance que chacun de ces purs produits du régime nazi entend assouvir à la hauteur de ses moyens et selon sa position. L’occasion est offerte, en passant au crible ces individus, de mesurer l’étendue du Reich au mois de janvier 1942. L’Allemagne nazie a alors la main mise sur l’ensemble de l’Europe, qu’elle a segmenté à sa manière.

Différentes sphères de contrôle assurent la gestion de cet immense territoire qu’il faut tenir d’une main de fer. Tous s’y consacrent au quotidien avec des méthodes pour le moins atroces et absolument aucun scrupule. Les SS qui entourent Heydrich « le boucher de Prague » excellent en la matière et ont clairement l’intention de prendre les choses en main, renvoyant les « intellectuels » au placard.

Statistiques et rendement

De fait, la conférence de Wansee telle que la décrit Geschonneck se révèle comme une prise de pouvoir de la SS, une manière de dire « maintenant, c’est nous qui décidons, et gare à celui qui se mettra en travers de notre route ». Des fanatiques, il n’y a pas d’autres mots. Qui se restaurent de cognac et de saumon tandis qu’ils discutent mise à mort et disparition des corps, gestion de ghettos surpeuplés et stérilisation forcée des demi-juifs. Chiffres et statistiques à l’appui.

Pas de pitié, pas de compassion : ils parlent là non pas d’êtres humains, mais d’une menace à neutraliser au plus vite, d’un péril pour l’ensemble de la population aryenne qu’il convient de protéger à tout prix, d’un process à mettre en place avec objectifs à atteindre, rendement industriel à privilégier. Le discours, technocratique, est dément, prononcé avec quiétude par les uns, exaltation par les autres. Tous, convaincus de leur bon droit, pensent œuvrer pour l’Histoire et le bien de la race supérieure, c’est ça le plus abject.

Un discours de secte, des décideurs dénués d’empathie, monstrueux, qui évoquent la souffrance comme une variable d’ajustement. C’est peut-être ce qui fait le plus peur, ce calcul froid et distancé, où les pires atrocités sont énoncées comme des banalités, où l’homme est ravalé au rang de chiffre à inscrire dans une case. Quand on en arrive à ce stade, le pire est déjà là.

Delphine Neimon

Posted by Delphine Neimon

Fondatrice, directrice, rédactrice en chef et rédactrice sur le webmagazine The ARTchemists, Delphine Neimon est par ailleurs rédactrice professionnelle, consultante et formatrice en communication. Son dada : créer des blogs professionnels. Sur The ARTchemists, outre l'administratif et la gestion du quotidien, elle s'occupe de politique, de société, de théâtre.

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