Le Théâtre de la Chair : La Clic, suspension loufoque et lancer de bûches.

Il y a quelques semaines, Léo Kee Pa, Skulette et quelques-uns de leurs potes montaient la perfo Memento Mori. L’event a fait boule de neige et le groupe a réitéré ses exploits, cette fois-ci avec le sobriquet de La Clic et au cœur de la Tatoo Convention 2012 de Lyon. Autre temps, autre espace. Rien à voir avec les murs exigus d’une galerie d’art : nous voici désormais dans le vaste hall du Double Mixte.

Quand on sait l’importance que revêt l’espace dans la mise en place d’une perfo, qui plus est avec accrochage, la mutation est un défi de taille que nos loulous relèvent fingers in the nose, avec humour, énergie et enthousiasme, ajoutant à la complexité d’une suspension la folie d’une déambulation de théâtre de rue, histoire de rameuter des foules déjà à moitié conquises et qui viendront assister au spectacle de bonne grâce et avec un sourire complice.

C’est que nos malicieux garnements vont leur servir 25 minutes de dinguerie pure, inspirée en directe ligne de l’univers de Rob Zombi : au centre de leur saynète, la famille et ses perverses douceurs. Imaginez le mix entre une after de Sexy Sushi, Les Bonnes de Genêt en mode Délivrance et Massacre à la tronçonneuse dans le Jura … et vous serez encore loin du compte.

Pourtant derrière la transe déchaînée de cet intermède (petit clin d’œil au monsieur en tutu, chaussettes et talons hauts qui fustige ses camarades à coups de tapette à mouches), derrière les crochets, les peaux distendues, la violence de façade, l’apparente démesure et la provoc résolue et assumée doublée de dérision, nous trouvons la technique, le juste équilibre, le travail.

Quand suspension rime avec équation, organisation et concentration. Amateurs, oubliez immédiatement et passez votre chemin. Le genre en passe de devenir une discipline à part entière. Entre fakirisme, cabaret, théâtre de rue, cirque, cinéma, musique, carnaval, le théâtre de la chair ici doucement se trouve. Explications.

Convention Tatoo Lyon 2012 : comment vous vous y êtes retrouvés ?

Un peu par hasard, mais un peu par logique aussi… Nous gravitons dans le monde du tatouage, de la modification et de la performance depuis pas mal d’années. Ceci étant, nous avons un réseau assez conséquent. Et de fil en aiguille, nous avons fait la connaissance de Bénédicte Garcia, co-organisatrice de la convention de Lyon, qui a sollicité nôtre présence.

Comment avez-vous conçu cette performance ?

L’idée originale vient de Léo avec comme direction et inspiration, l’univers des films de Rob zombie ( La Maison aux 1000 morts, The Devil’s Rejects, Halloween…). Après avoir visionné les images chacun de notre côté, une interprétation propre à chaque performer est née et est venue se greffer au scénario de Léo. Les différentes références de chacun dressent le portrait d’une famille atypique et un peu déjantée, une tranche de vie comme les reportages de l’émission Strip-tease.

Autour du travail rituel performé normalement par Léo et Skullette s’est greffée une démarche plus artistique avec Channel zéro et Léon.

Parlez-nous de vos choix de mise en scène.

La mise en scène, les décors et les costumes deviennent plus élaborés tout comme la gestion de l’espace. Ce cabinet de curiosités fut composé d’un ensemble de récupération d’objets appartenant à notre patrimoine familial respectif (rire). Tout ça accompagné d’accessoires et mobiliers empruntés à la boutique « Chez Les Morues » rue Romarin Lyon 1°, où l’on peut trouver des trésors et de la réalisation d’un clip vidéo sur la démence ( tiré d’une performance réalisée quelque temps avant )afin de recréer jusque dans les moindres détails ce que pourrait être le lieu de vie de cette « famille atypique ».

Pour ce qui est du budget, comme d’habitude, de la récupération, quelque bout de ficelle et surtout un gros investissement personnel de chacun. Pour cette occasion donc nous avons tous mis la main à la poche et avec beaucoup de débrouille et de soutien on s’en est plutôt bien sorti.

Pour revenir à la scénographie, le but étais de mettre le doigt sur tout un tas de choses de la vie de tous les jours, ce qui « dérange », du coup tout le monde était servi à part égale (le fascisme, la drogue, l’alcoolisme, la perversité, l’homosexualité…) le tout tourné avec une bonne dose de dérision (pour que la pilule passe mieux).

Et qu’en est-il de la mise en place technique de la performance en elle-même ?

La performance en dehors de la scène est plus intense, plus vraie. Pas de barrières entre le public et l’action. Elle est plus délicate aussi par la limite de l’espace et laisse très peu de place à l’erreur. En revanche le public vit réellement la scène, et de ce fait, en fait entièrement partie.

Ce qui nous amène à la déambulation, qui fut une entrée en matière plus qu’efficace. Deux intervenants qui nous sont chers, Morgan Dubois de la boutique Empreinte, et Ju. Sedlak de la boutique Angel Art Tattoo, ont participé à cette déambulation et nous ont soutenus physiquement en sous-terrain. Encore merci à eux.

Avec quelques impératifs à prendre en compte cependant :

  • Principalement mettre en place et sécuriser les ateliers suspension. La proximité avec le public ne laisse pas beaucoup de marge de manœuvre.
  • Pouvoir communiquer avec l’équipe technique (qui assurait le levage).
  • Ensuite optimiser un espace très restreint de 3m x 3m pour toute l’installation avec 4 performers plus que survoltés et plusieurs changements de tenue.
  • Le tout calé au rythme d’une bande son sur mesure.

Le fait d’être sur place (ce qui facilite l’installation) nous a permis de pousser le vice au maximum. Le principal avantage est d’avoir déjà travaillé tous ensemble sur plusieurs projets, de bien connaître les limites, les possibilités de chacun et surtout de pouvoir se faire confiance mutuellement. Après quelques mises au point faites en commun sur le scénario (qui volontairement a laissé pas mal de place à l’improvisation) et c’est ce qui nous a permis de nous lâcher complètement, sans aucune retenue et de pouvoir anticiper ou gérer quelques problèmes en cours de route. (rire)

– En quoi c’est un plus de performer dans un évènement pareil ?

Le principal avantage d’aborder ce genre de sujet à l’occasion d’un tel évènement est justement de pouvoir toucher un public plus large et pas forcément avertis et ensuite faire réfléchir un plus grand nombre de personne sur la façon dont tourne ce monde/nôtre monde. Et tant pis si certain ont mal dormis ou si d’autre nous on pris pour ce que nous sommes « déviant »(rire).Pour nous il est temps de désacraliser l’environnement du tatouage et du piercing et d’enterrer les idéaux conservateurs qui ont été imposés dans le passé (poils au nez). Stop au star-système !

– Quelles retombées à ce jour ?

Directement, les retombées pour la boutique Tattoo Station (tattoo/piercing/atelier dermographe) ne sont pas négligeables dans l’ensemble. Et les rencontres faites sur place vont donner lieu à de nouvelles fusions avec d’autres performers. Affaire à suive.

– Qu’est-ce que vous avez pensé de la session 2012 ?

Cette session 2012 était encore plus agréable que les précédentes. Des shows vraiment sympas, une ambiance bon-enfant, et des tatoueurs de plus en plus talentueux. Vivement l’année prochaine !

Photos M.K.O et Alex Bonnel – Merci à eux.

Et plus si affinités

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Delphine Neimon

Posted by Delphine Neimon

Fondatrice, directrice, rédactrice en chef et rédactrice sur le webmagazine The ARTchemists, Delphine Neimon est par ailleurs rédactrice professionnelle, consultante et formatrice en communication. Son dada : créer des blogs professionnels. Sur The ARTchemists, outre l'administratif et la gestion du quotidien, elle s'occupe de politique, de société, de théâtre.

Website: https://www.theartchemists.com