Seraphïta Diucelu : genèse d’un miroir des âmes

Il y a peu, nous annoncions l’émergence de La Miskinerie, jeune collectif bien décidé à secouer la nuit parisienne. Ok, mais encore ? Pour s’en rendre compte, le mieux est d’éplucher la programmation du prochain événement organisé par l’équipe au Klub, la soirée 3eme Oeil. Parmi les artistes bookés pour cet événement, un nom m’accroche la rétine : Séraphïta Diucelu. Ultime Chimère, Mirror of the souls. Un entretien s’impose pour en savoir plus. Rendez-vous pris par mails interposés. Mercredi, 20 h, j’appelle, on décroche, j’ai Séraphïta on line. Une voix jeune, pleine d’énergie. Seraphïta me raconte. Et son histoire est aussi riche que passionnante.

L’angélisme selon Balzac

Son nom de scène ? Tirée d’une nouvelle de Balzac étudiée durant ses années de lycée ; homme, femme, Seraphïta navigue entre les apparences et les spiritualités, pour mieux se trouver, définir son identité, son appartenance presque angélique. «Un livre précurseur sur le genre» explique Seraphïta. Sa première performance ? «Le 15 janvier 2022 à 23h, juste avant de célébrer mes 30 ans».

Une vieille promesse faite à soi-même, réalisée à l’ultime minute comme un saut dans l’inconnu, un changement de vie assumé pour ce costumier qui a vécu trois ans en Corée, entre mannequinat et création pour les théâtres nationaux, avant d’entamer un tour du monde initiatique (2 ans et demi, 50 pays, Kerouac après Balzac ?) avec en ligne de mire la question du chamanisme.

Un chamanisme moderne

Car pour Seraphïta, le drag est un chamanisme moderne. «Les drags incarnent un combat pour leur communauté, ils rappellent aux autres qu’on doit d’abord être soi-même, peu importe le genre, la religion, l’appartenance sociale. Il ne faut jamais oublier ce qu’on est.» Geste dramaturgique initial, le chamanisme a pour vocation de préserver les identités et les émotions, de même les performances drag.

C’est dans cette conviction que l’artiste puise son inspiration et son aura, sa vision du drag show. Dans cette conviction et dans ses racines, Corse et Maroc mêlés, puissance du soleil et de la mer, du sable et du vent, mythologies méditerranéennes et berceaux des dieux. Sur son corps svelte, des tatouages rappellent la culture amazigh dont était issue sa grand-mère, une culture injustement dévalorisée, mais que Seraphïta revendique avec tendresse.

Les miroirs de Salammbô

10 ans d’encrage berbère pour «recoller les morceaux», des voiles somptueux qui enrobent son corps ondulant comme un serpent, la fusion entre danse orientale, belly dancing et lip singing, l’Ultime Chimère a tout de la grande prêtresse, Salammbô exfiltrée du roman de Flaubert pour venir refléter les âmes de ses spectateurs.

C’est pour cette raison que Seraphïta aime tant les miroirs, qu’elle les intègre dans ses costumes. «Les spots se reflètent dans le miroir, un rai de lumière éclaire le public, je saisis un visage, une expression, une réaction. Une fois, je performais, le rond de lumière s’est arrêté sur une jeune fille qui connaissait toutes les paroles de la chanson, on a vécu la performance ensemble.»

Rendre les choses toujours plus belles

Pensées comme des instants de communion, les apparitions de Seraphïta ont pour vocation d’interroger la divinité intérieure de chacun. Rendre les choses toujours plus belles pour des enfants qui n’en finissent pas de grandir : un jeu d’équilibre entre hyperémotivité et distanciation, que ce Capricorne épris de perfectibilité affectionne tout particulièrement.

Longtemps fascinée par la scène sans oser s’y exposer, désormais à l’aise sous le feu des projecteurs, Seraphïta ne compte pas en rester là ; cours de danse et de MAO, à l’avenir, «je veux composer mes propres musiques et mes propres chorégraphies». Histoire de gagner en liberté et en créativité pour enrichir à sa guise un univers à la singularité assumée. Bref, on n’a pas fini de parler du phénomène Seraphïta qui va indéniablement gagner en charisme et en intensité au fil de performances conçues pour ensorceler.

Merci à Seraphïta pour son temps, ses réponses, sa bienveillance.

Pour en savoir plus sur Seraphïta Diucelu, consultez son compte Instagram.

Delphine Neimon

Posted by Delphine Neimon

Fondatrice, directrice, rédactrice en chef et rédactrice sur le webmagazine The ARTchemists, Delphine Neimon est par ailleurs rédactrice professionnelle, consultante et formatrice en communication. Son dada : créer des blogs professionnels. Sur The ARTchemists, outre l'administratif et la gestion du quotidien, elle s'occupe de politique, de société, de théâtre.

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