Salon des santonniers d’Arles : zoom sur le business du santon

En provençal, on le prononce « santoun »,« petit saint », le santon qui orne les crèches de la Nativité depuis le Moyen Âge jusqu’à aujourd’hui. C’est ainsi que Georges Vlassis me le présente. Georges Vlassis, photographe de son métier, passionné de culture provençale et grand ordonnateur du Salon des Santons organisé chaque année à Arles.

Des crèches aux quatre coins du monde

Un connaisseur donc, doublé d’un adepte fervent, qui va me raconter l’histoire de ces petits personnages avec un amour et une passion débordants. Son salon existe depuis un demi siècle. Initialement créé par Marcel Carbonnel, l’un des santonniers les plus célèbres, cet événement n’est pas un rassemblement de professionnels, pas de stands ni de cartes de visite donc, mais une revue très complète de ce qui se produit de mieux chaque année en matière de crèche, avec trois domaines de prédilection : les santons créés par des santonniers professionnels, les santons d’amateurs et les santons venus de l’étranger.

Des santons venus de l’étranger ? Mais c’est qu’on produit des crèches aux quatre coins du monde, m’explique M. Vlassis, et avec des matériaux aussi variés que la terre, la glaise, le bois, la porcelaine, l’écorce, l’osier, la laine, la ficelle, le verre, le métal, … autant de variations pour décliner les sujets qui composent la crèche de base, à savoir les acteurs de la Bible : l’Enfant Jésus, La Vierge Marie, Saint Joseph, l’âne et le bœuf, l’Ange annonciateur, les bergers et les rois mages. Il s’agissait à l’origine de sujets d’une soixantaine de centimètres exposés dans les églises ou chez les familles très riches. On les fabriquait en plâtre, glaise, argile ou en mie de pain.

Santons en série et petit village

La Révolution Française va changer tout cela : destruction des églises oblige, les crèches seront interdites jusqu’au Concordat qui restaurera la tradition : les particuliers pratiquent la fabrication clandestine en papier mâché, carton ou verre filé. Puis arrivent les années 1870 et la Révolution industrielle ; un certain Lagnel a l’idée de créer un moule : le santon en série est né ! À l’origine produit de luxe, le santon à un sou se démocratise : c’est alors qu’apparaissent les petits métiers et les costumes du XIXᵉ siècle. Soudain la crèche devient le reflet de la vie de village. Une sorte de miroir du bourg provençal tel que peut le décrire Daudet dans Les lettres de mon moulin.

Un visage toujours d’actualité même si certains santonniers se risquent à des innovations parfois controversées… un matador, une Vierge enceinte (qui a fait scandale) ou un abbé Pierre vite retiré de la circulation car interdit de vente : les moules et les figurines furent retirés et détruits. Autant dire que les heureux propriétaires des rares figurines vendues sont aujourd’hui à la tête d’un petit pactole, ce pur collector valant très cher sur le marché d’un santon à la base déjà assez onéreux, allant en moyenne de 10 à 18 euros suivant sa taille depuis le santon puce (1 cm) jusqu’aux 17 cm de son frère aîné destiné aux crèches de famille.

De véritables enjeux économiques

Composée en moyenne d’une soixantaine de figurines, à l’exclusion des maisons, puits, animaux et autres décorations, une crèche digne de ce nom suppose un budget. Démocratisée, elle n’est plus l’apanage des familles croyantes ; il est désormais admis de tous que la crèche fait partie des gestes rituels pour la préparation de Noël. Un marché où la concurrence devient rude pour les artisans spécialisés. À l’origine, les santons étaient sculptés à la main. Aujourd’hui, on modèle une pièce initiale sur laquelle on coulera un moule qui servira à reproduire environ deux cents pièces. Le moule usé, on en refera un nouveau sur la pièce initiale soigneusement conservée.

Une industrie donc, avec de véritables enjeux économiques. Aujourd’hui tout le monde peut s’instituer santonnier : il suffit d’acheter des moules et de taper les figurines à la chaîne. Et le métier de proliférer. Certes les vrais santons sculptés sont estampillés car ils constituent de petites œuvres d’art marquées par les particularités d’un artiste qui tient souvent du figuriste. Mais voici que point la concurrence étrangère avec des santons chinois en résine, moins chers… et beaux! Une menace que les professionnels prennent très au sérieux en envisageant de réorganiser la filière, avec par exemple la très nette volonté d’établir une charte de qualité.

Autant dire que dans ces conditions, les santons vont encore avoir bien des aventures à vivre.

Delphine Neimon

Posted by Delphine Neimon

Fondatrice, directrice, rédactrice en chef et rédactrice sur le webmagazine The ARTchemists, Delphine Neimon est par ailleurs rédactrice professionnelle, consultante et formatrice en communication. Son dada : créer des blogs professionnels. Sur The ARTchemists, outre l'administratif et la gestion du quotidien, elle s'occupe de politique, de société, de théâtre.

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