Documentariste et autrice, Sandrine Lucchini signe avec Charlotte Chérie un polar incisif qui explore les méandres de la haine féminicide contemporaine. À travers une enquête pour le moins haletante, la romancière met en lumière les mécanismes insidieux de la radicalisation misogyne, offrant une réflexion profonde sur les violences faites aux femmes et l’instrumentalisation des frustrations masculines par des idéologies extrémistes.
Un polar au service d’une dénonciation sociale
Charlotte Chérie s’ouvre sur l’enlèvement de Charlotte qui se retrouve pieds et poings liés dans le coffre d’une voiture. Ce rapt coïncide avec la découverte d’un corps de femme violée et massacrée. Un féminicide ? L’enquête, menée par un inspecteur déterminé et son groupe, dévoile progressivement l’implication de communautés en ligne où se développent des discours haineux envers les femmes. Lucchini utilise ainsi les codes du polar pour immerger le lecteur dans une réalité glaçante, où la fiction rejoint des faits bien réels.
La manosphère : un terreau fertile pour la haine
Le roman met en lumière la « manosphère », un ensemble de communautés en ligne où se côtoient incels, masculinistes et autres groupes prônant une vision anti-féministe du monde. Ces espaces virtuels, souvent présents sur des forums ou des réseaux sociaux, servent de caisses de résonance à des propos venimeux, banalisant la violence envers les femmes. Des études ont montré que ces communautés pèsent dans la radicalisation de certains individus, les poussant à commettre des actes violents, ce que l’autrice décrit avec beaucoup de finesse.
L’instrumentalisation des frustrations masculines par l’extrême droite
Lucchini souligne également comment des mouvements d’extrême droite exploitent les frustrations de ces hommes pétris de complexes pour les rallier à leur cause et en faire des machines à broyer les femmes. En offrant des boucs émissaires, en diffusant des idéologies simplistes, ces groupes parviennent à canaliser la colère de certains vers des actions d’une violence inouïe. Le roman illustre cette instrumentalisation, montrant comment des individus isolés peuvent être embrigadés dans des réseaux extrémistes qui relèvent du terrorisme.
Une œuvre nécessaire et percutante
Charlotte Chérie n’est pas qu’un simple thriller ; c’est une œuvre engagée qui interroge notre société sur les dérives de certaines communautés en ligne et sur la banalisation de la détestation des femmes. En mêlant fiction et réalité, Lucchini offre une lecture essentielle pour comprendre les mécanismes de cette radicalisation misogyne et les dangers qu’elle représente pour l’ensemble de la communauté.
En somme, Charlotte Chérie est un roman percutant qui, sous couvert d’une enquête policière, offre une analyse profonde des violences antiféministes contemporaines. Sandrine Lucchini réussit à allier suspense et réflexion sociale, faisant de son œuvre une lecture incontournable pour quiconque s’intéresse aux enjeux de genre et aux dérives idéologiques de notre époque.
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