OVNI(s) : entre foi aveugle et scepticisme désabusé, un conte moderne drôle et poétique

photos de la série ovnis

Comme son patronyme l’indique, Didier Mathure est un ingénieur pur jus. Les pieds sur terre, la tête sur les épaules et les yeux rivés sur les calculs qu’il refait frénétiquement afin de comprendre pourquoi sa fusée Cristal a explosé au décollage. Une véritable tragédie pour ce cartésien amoureux de physique et de bon sens bien rationnel, que ses superviseurs du CNES punissent en le reléguant dans un placard bien spécifique : le Gépan. Didier va-t-il survivre à ce purgatoire ufologique ? C’est ce que nous raconte la série OVNI(s).

Un cartésien au pays des petits hommes verts

Adoubée par Canal+ Séries qui en a fait son fer de lance face aux grosses productions Netflix et consort, OVNI(s) nous plonge tête la première en 1978 pour nous conter les mésaventures de Mathure le cartésien au pays des petits hommes verts. Un zoom cocasse sur les convictions d’une population française qui voit alors des soucoupes volantes partout. Or c’est la mission du Groupe d’études des phénomènes aérospatiaux non identifiés aka Gépan pour les intimes que d’étudier les phénomènes paranormaux rapportés par des citoyens affolés ou enthousiastes, pour leur trouver une explication logique, scientifique. Et calmer les consciences ufo-compatibles exaltées.

L’enjeu est clair : il faut demeurer dans le concret, ne pas divaguer dans des croyances aussi absurdes que fantaisistes. C’est du moins l’objectif de Mathure quand il découvre sa nouvelle équipe : un trio de doux dingues venus d’horizons divers, complètement dépourvus de méthodologie, et dépassés par les cas de signalement qui s’amoncellent dans les placards. Mathure décide de mettre de l’ordre dans tout ça, histoire de classer ces affaires en leur trouvant une explication cohérente, quitte à aller vérifier sur le terrain, en pleine cambrousse, dans la boue des étangs au besoin. Seulement voilà : plus il trouve d’explications logiques, plus le doute s’installe dans son esprit, et les problèmes s’enchaînent.

Fable 70’s et objets cultes

Y aurait-il une autre forme de vie dans l’univers qui chercherait à nous contacter ? C’est toute la finesse du scénario de Clémence Dargent et Martin Douaire que d’évoquer la chose d’un point de vue rationnel, en évacuant les théories farfelues qui peuvent inspirer les pires dérives (les allusions aux mouvements sectaires inspirés par l’ufologie sont sans appel). Confronter le grotesque et le scientifique : excellente manière de ramener un peu de distanciation dans les esprits … et de faire passer le message à des spectateurs impactés par les fake news dont nous abreuvent les réseaux sociaux. L’homme aime les apologues, les mythes. Croire est toujours plus séduisant que voir. D’ailleurs les analyses de Mathure n’ont rien de glamour. Mais elles ont le mérite d’être prouvées.

En résumé, si elle n’est guère funky, la vérité permet de clore les mauvaises portes pour dégager des voies d’exploration plus viables. Et c’est sur le mode du conte moderne que le réalisateur Antony Cordier déroule cette fable 70’s saturée de couleurs tapageuses, d’objets cultes de cette époque spécifique, véritable tournant des Trente Glorieuses. Ordinateur ancestral, Minitel en devenir, canon électromagnétique, satellite première génération, féminisation au compte-goutte des équipes de chercheurs … et puis la culture pop qui se saisit du sujet pour alimenter la légende, David Bowie, Spielberg, les pins, les habillages en velours des téléphones à cadran, les papiers peints aux motifs géométriques hallucinants … Saveur vintage, nostalgie d’une époque révolue, persistance de la crédulité malgré les évolutions technologiques …

Humour et poésie

Avec autant d’humour que de tendresse, OVNI(s) raconte le combat perpétuel entre la foi aveugle et réconfortante et le scepticisme désabusé. La série doit beaucoup à ses interprètes qui véhiculent avec subtilité cet équilibre instable : Melvil Poupaud parfait en ingénieur pétri de doutes mais qui retrouve l’enthousiasme de la découverte en intégrant cette cellule de recherches improbable, Michel Vuillermoz qui nous sert un savoureux numéro d’ancien barbouze gay et complotiste, adepte de L’ïle aux enfants, Daphné Patakia délicieuse de candeur avec son flamand rose et son arrosoir, Quentin Dolmaire touchant dans son rôle de geek maladroit mais néanmoins redoutablement intelligent … plus Laurent Poitrenaux, Olivier Broche, Géraldine Pailhas et Nicole Garcia …

Bref une belle brochette d’acteurs qui partent à la chasse aux OVNI(s) pour notre plus grand bonheur de spectateur, assurant au passage notre édification scientifique, ce doux élan du coeur qu’on appelle poésie et une bande son survoltée signée par un certain Thylacine, parfait hommage à la French Touch alors en gestation. En résumé : vous avez de fortes, fortes chances de vous laisser surprendre par ce cocktail inattendu mais vraiment agréable.

Et plus si affinités

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Delphine Neimon

Posted by Delphine Neimon

Fondatrice, directrice, rédactrice en chef et rédactrice sur le webmagazine The ARTchemists, Delphine Neimon est par ailleurs rédactrice professionnelle, consultante et formatrice en communication. Son dada : créer des blogs professionnels. Sur The ARTchemists, outre l'administratif et la gestion du quotidien, elle s'occupe de politique, de société, de théâtre.

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