Dangerous Animals : le requin comme kit de meurtre

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Ouh là, avis de tempête pour le shark movie ! Avec Dangerous animals, Sean Byrne redéfinit le genre en lui greffant le cynisme glaçant d’un serial killer qui n’a ni aileron ni mâchoires dentées. 50 ans après la naissance du cultissime Jaws, il fallait le faire !

Une arme venue des profondeurs

On a tous grandi avec Les Dents de la mer, sa musique devenue mythique, cette trouille viscérale de ce qui rôde sous l’eau. Depuis, le requin s’est bétoné dans l’imaginaire cinématographique comme un tueur autonome, implacable, une entité quasi surnaturel. Sean Byrne inverse cette logique. Dans Dangerous Animals, le requin n’est pas le tueur. Il est l’élément clé du kit de meurtre d’un tueur psychopathe.

Tucker, interprété par un Jai Courtney sidérant de froideur, est un capitaine de bateau, guide touristique en apparence, surtout tueur en série aussi métodique que prolixe. Son rituel ? Enlever des jeunes femmes, les séquestrer sur son bateau, filmer leur agonie tandis qu’il les offre vivantes à ses « animaux dangereux » préférés. Clairement, le monstre, c’est lui.

Une tension à bout de souffle

Le film se déroule presque intégralement en huis clos, entre le pont du bateau et la cale transformée en cellule flottante. Zephyr (Hassie Harrison), surfeuse indépendante et dure à cuir, se retrouve piégée dans ce cauchemar maritime. Pas de cris, pas de panique excessive : tout est contenu, sec, tendu à l’extrême.

La réalisation minimaliste de Byrne, déjà remarquable dans The Loved Ones et The Devil’s Candy, atteint ici un nouveau stade de maturité glaçante. Il filme l’attente angoissée, la peur rampante, l’aliénation psychologique, la lutte pour la survie. Le score, discret mais redoutablement bien dosé, n’exagère jamais. Il laisse respirer les scènes, accentue les silences, souligne sans lourdeur. On entend la mer, le métal, la respiration de Zephyr. L’angoisse devient organique.

Suggestion, domination, sidération

Dangerous Animals ne cherche pas la surenchère. Il la méprise. Pas de jump scares inutiles. Pas d’anatomie gore. Tout est dans la suggestion, la domination, la sidération. On pense à Funny Games, à Martyrs, à Dead Calm… mais avec des requins. Et ça fonctionne. Parce que le film ne cherche pas qu’à faire peur, il veut aussi perturber. Faire émerger une horreur contemporaine : celle où l’humain, dans sa rationalité malade, s’approprie la nature pour commettre l’irréparable.

Tucker ne tue pas par pulsion. Il tue avec méthode. Il repère, il filme, il archive, il sélectionne. Il savoure la chasse, un peu comme le tueur de l’excellent/terrifiant Wolf Creek de Greg McLean. Et son arme de prédilection est parfaitement naturelle, d’une rare efficacité, presque intraçable : des squales. Ainsi le shark movie de muter pour devenir thriller psychologique sadique et cynique, jeu pervers entre prédateur humain et proie piégée.

Requin mais pas que…

Projeté à la Quinzaine des cinéastes à Cannes 2025, salué par la critique pour son audace et son ambiance implacable, Dangerous Animals n’est pas un chef-d’œuvre à effets, c’est une machine à malaise. Son efficacité repose sur un casting solide, une tension qui s’installe rapidement pour ne jamais redescendre, une mise en scène qui ne prend jamais le spectateur pour un débile.

Zephyr n’est pas une victime passive. Elle pense, elle résiste, elle observe. Elle ruse. Le climax — silencieux, tranchant, brut — rappelle que dans un monde où les tueurs sont des gens “ordinaires”, la survie passe par l’intelligence, pas par l’héroïsme. Et que le prédateur demeure l’humain, qui détourne la nature tout en l’avilissant.

Et plus si affinités ?

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Padme Purple

Posted by Padme Purple

Padmé Purple est LA rédactrice spécialisée musique et subcultures du webmagazine The ARTchemists. Punk revendiquée, elle s'occupe des playlists, du repérage des artistes, des festivals, des concerts. C'est aussi la première à monter au créneau quand il s'agit de gueuler !