Madame Butterfly aux Invalides : livestreamer l’art lyrique comme un sport de plein air

photos du spectacle madame Butterfly dans le cadre du festival opéra en plein air 2021

Sébastien Tézé nous l’avait annoncé lors de son interview en amont du festival d’Avignon, mais cela se précise très nettement. Le 4 septembre au soir, Opsis Tv posera ses caméras dans la cour de l’Hôtel National des Invalides pour capter et diffuser en livestream l’opéra Madame Butterfly de Puccini.

Festival au grand air : une particularité notable

La mise en scène d’Olivier Desbordes prend place dans l’édition 2021 du festival Opéra en plein air, vingtième du nom. Après les domaines de Sceaux et Saint-Germain-en-Laye, les châteaux de Champs sur Marne et Vincennes, cette tournée estivale prendra donc fin en beauté dans l’enceinte des Invalides et sous les yeux des spectateurs mélomanes de la plateforme dédiée au théâtre et à l’art lyrique.

Tézé n’avait pas caché la difficulté que représente ce type de représentation outdoor : repérages, positionnement des caméras, prise de son, séquençage … La chose est d’autant plus complexe que jouer en extérieur est en soi un sport extrême dont le public ignore trop souvent les particularités. L’occasion pour nous d’en rappeler certaines règles, histoire de souligner la difficulté de l’opération.

Difficulté qui en séduit beaucoup, dixit les festivals d’Aix-en-Provence, d’Orange ou d’Avignon avec la consécration que représente la Cour des Papes … sans compter tous les autres qui revendiquent le grand air comme une particularité notable, une manière de se démarquer, d’accentuer le côté bucolique et festif de l’événement … et d’échapper aux ors des salles de théâtre, parfois un peu trop étouffants.

A lire également :Madame Butterfly au festival de Glyndebourne : quand la ménagère américaine écrase la femme papillon

Prestige, surprise et tradition

Car jouer en plein air présente certains avantages :

  • Cela peut être l’occasion d’une rencontre d’exception entre un lieu de prestige et une œuvre incontournable du répertoire : rappelons-nous Turandot mis en scène dans le cadre de la Cité Interdite par Zhang Yimou en 1998 ou Aïda de Verdi jouée dans la Vallée des Rois. Le spectaculaire est forcément au rendez-vous, de même la rareté de l’évènement, avec surenchère du prix des places, croisière et voyage à l’unisson, captation DVD de haute qualité.
  • C’est par ailleurs le moyen de renouer avec une tradition dramaturgique : jouer en plein air sur la scène du théâtre d’Epidaure en Grèce, c’est forcément revenir aux racines mêmes de l’art théâtral comme rituel sacré, connexion avec les dieux. Interpréter les textes de Shakespeare dans l’enceinte du Théâtre du Globe tel qu’il a été reconstitué sur les berges de la Tamise à Londres, c’est retrouver l’essence même de cette révolution que fut l’ère élisabéthaine en matière de spectacle.
  • Et puis il y a l’attrait de la surprise, l’occasion de faire vivre un lieu de culture et de patrimoine autrement que par des visites ou l’usage du quotidien … et de topucher ainsi un public néophyte, peu habitué des salles. Rappelons-nous 2013, notre passage au festival des 3 Éléphants de Laval, la compagnie Kumulus investissant la cour du lycée Ambroise Paré pour y poser … un gibet. Et y interpréter Les Pendus. Une claque monumentale qui, pour sûr, n’aurait pas eu la même portée dans un autre espace.

A lire également :Kumulus – Les pendus : nos lâchetés au gibet de nos hontes

Jouer en extérieur : retour aux sources et sens du miracle

Renouer avec les sources mêmes du spectacle vivant, joué dans la rue, la cour des châteaux, sur des tréteaux, devant les églises comme au temps jadis : une gloire teintée d’humilité, car il faut y inclure la loi de l’emmerdement maximum pour une troupe, qu’il s’agisse des interprètes, des metteurs en scène ou des techniciens. Jouer en extérieur, c’est combattre au quotidien les caprices des dieux qu’on veut honorer.

  • Déjà parce qu’il faut s’adapter à un environnement prestigieux certes mais pas franchement prévu pour ça. Quiconque a pénétré la Cour des Papes en Avignon mesure immédiatement la problématique : l’endroit est immense, pas de plafond pour retenir le son, des parois de pierre chargées de mémoire mais guère propices à la modernité. A équiper, c’est un enfer, à investir c’est une énigme, souvent coûteuse. Tout le monde n’a malheureusement pas le flair d’Ariane Mnouchkine avec Richard II: l’entrée du roi et de sa cour traversant au galop l’ensemble de la scène en costumes kabuki et fraises Renaissance demeure un moment unique de l’histoire du Festival d’Avignon.
  • Et puis il y a le choix de l’œuvre : il est délicat de marivauder sur une scène de plusieurs dizaines de mètres de long, d’enchaîner les changements de plateaux impliqués par certaines œuvres sur un périmètre très large et sans coulisses cachées. L’arrivée du mapping a pas mal aidé les scénographes qui peuvent désormais habiller d’images les parois des monuments, dixit Aida en 2012 aux Chorégies d’Orange. Néanmoins, jouer en extérieur suppose un tri sélectif des œuvres représentées, qui doivent forcément posséder un potentiel sensationnel.
  • Se pose également la question insoluble qui ramène tout le monde au niveau de l’impuissance humaine : la gestion des éléments et de la météo. Si Dame Nature a décidé de se déchaîner avec pluie, vents, tempête, il vaut mieux carrément annuler … à moins d’un miracle ? Tout mélomane qui se respecte se souvient du « Casta diva » entonné par une Monserrat Caballé visitée des dieux, dont la voix fut portée par le mistral qui aurait dû l’éteindre. Un pur miracle inscrit dans les grandes heures des Chorégies d’Orange.

A lire également :Théâtre de l’Unité / Macbeth en forêt : les bois de Birnam ont marché sur Dunsinane

Livestream en plein air : LA parade culturelle aux démons pandémiques

Notre tour des pistes des joies et périls de la représentation en plein air est loin d’être exhaustif, bien entendu. Il prévaut néanmoins à l’heure où, covid et variants oblige, l’accès aux événements culturels joue au yo-yo avec nos nerfs et notre taux d’anticorps. Le plein air constitue-t-il LA parade culturelle aux démons pandémiques ? Ce n’est pas la première fois que nous évoquons cette solution depuis le premier confinement. Le problème est que depuis, le pass sanitaire a été imposé comme un sésame absolu.

À tort ou à raison, ce n’est pas à nous d’en juger. Mais force est de constater que nous voici tous à la merci de ce document… et donc potentiellement rétrogradables au statut de public empêché. Jouer en extérieur n’est pas une nouveauté, c’est même un fondamental des arts du spectacle vivant. Ce qui inédit c’est de devoir en restituer la fraîcheur, l’authenticité par livestream interposé. L’expertise d’Opsis TV s’est forgé après des années de captation en intérieur … et en extérieur. Deux domaines bien spécifiques, qui vont prendre encore plus de sens avec les mois qui viennent.

Profitons-bien de cette Madame Butterfly pour savourer la manière dont elle est ressentie, captée, transmise par les caméras de l’équipe de Tézé. Si jouer en plein air est un héritage de l’Antiquité, diffuser ce type de spectacle via le web relève de l’initiation à une discipline en pleine mutation, qui attire les convoitises mais où les compétences réelles ne sont pas légion. A méditer en regardant l’histoire de la jeune, fidèle et trop candide Cio-Cio-San, trahie par Pinkerton. Trop moderne à l’époque, l’opéra de Puccini n’eut pas le succès escompté… qui vint plus tard. Une image de la consécration à venir pour le livestream théâtral de plein air ?

Et plus si affinités

Vous désirez vous abonner à Opsis TV ?

Grâce à The ARTchemists, bénéficiez de 50% de réduction Sur l’abonnement Premium 1 an !

  • Rendez-vous sur le site d’OpsisTV à la page Abonnements
  • Cliquez sur l’offre OPSIS 12 mois premium
  • Inscrivez le code ART2023 dans la case « Utiliser un code de promotion »
  • Et le tour est joué !
Delphine Neimon

Posted by Delphine Neimon

Fondatrice, directrice, rédactrice en chef et rédactrice sur le webmagazine The ARTchemists, Delphine Neimon est par ailleurs rédactrice professionnelle, consultante et formatrice en communication. Son dada : créer des blogs professionnels. Sur The ARTchemists, outre l'administratif et la gestion du quotidien, elle s'occupe de politique, de société, de théâtre.

Website: https://www.theartchemists.com