Shrinking : un bain de jouvence psychique, intelligent, pétillant et subtil

En thérapie, Mental, Mad men, Les Soprano, ce n’est pas la première fois que des séries nous allongent sur le divan d’un psy. Avec Shrinking, léger changement de programme, car en soignant ses patients, c’est lui-même que Jimmy Laird tente de traiter, quitte à sauter du canapé et fuir de son cabinet pour faire de la thérapie musclée en extérieur, et transgresser la déontologie propre à son métier dans les grandes largeurs. Une méthode atypique, chaotique et draconienne déclinée en 10 épisodes frénétiques, drôlissimes et réconfortants.

Une éruption libératoire

Jimmy Laird donc. Psy de son état, veuf depuis un an et rongé de chagrin au point de sombrer dans la came, l’alcool, les parties fines… Incapable de faire son deuil, il sombre, abandonnant l’éducation de sa gamine à sa voisine, arrivant en retard et ivre au travail, refusant de voir son meilleur ami… bref une épave que ses proches ne savent plus comment aider. Jusqu’au jour où il explose en pleine séance, face à une patiente écrasée par le mépris de son époux. Et il lui dit ses quatre vérités. Et la pousse à prendre des mesures.

Ce qui est formellement interdit ; un psy est là pour écouter, pas pour intervenir. Mais cette éruption libératoire va constituer une illumination pour Jimmy qui n’en peut plus et qui y voit à la fois un moyen d’aider ses patients à aller mieux et de se sortir de l’ornière. Il fonce, bien décidé à forcer le destin. Ce qui nous vaut un enchaînement de péripéties à se tordre de rire, car son environnement n’est pas docile, loin de là, et Jimmy va devoir batailler pour retrouver son équilibre et remettre son monde en ordre.

Des personnages forts et attachants

Aux commandes de ce petit bijou, Jason Segell, échappé de How I met your mother, signe un scénario flamboyant bourré de dialogues percutants, de séquences burlesques et d’instants poignants. Avec beaucoup de justesse, il campe des personnages touchants qui cachent leurs immenses fragilités derrière les masques de la dureté, de l’efficacité, de l’humour, de la colère… Et il est absolument impossible de ne pas s’identifier à ce clan qui ne veut pas dire son nom, cette famille recomposée où chacun tient une place essentielle, participe d’une osmose en constant rééquilibrage.

Qu’il s’agisse de Liz, voisine adorable mais envahissante qui joue les mamans de substitution, de Brian, ce meilleur ami gay qui veut épouser son compagnon mais recule la demande en mariage de peur d’essuyer un refus, Sean, vétéran traumatisé et futur grand cuisinier, de Gaby, collègue de Jimmy, directe et pleine d’humour, de Paul, le patron de Jimmy vieux psy grincheux atteint de Parkinson… ces personnages forts et attachants sont nous, avec nos joies, nos peurs, nos blocages, nos souffrances, nos hontes, nos fiertés…

Un casting exceptionnel et sans entrave

Et si Shrinking offre l’occasion de découvrir ce qu’est une no risk dick, que faire pipi dans les jardinières de son balcon est un élément clé de la zenitude (et une source appréciable d’informations sur le voisinage), qu’on peut dire son amitié en offrant un caillou, qu’il faut parfois sortir des sentiers battus pour trouver la solution à son problème, que tous nous sommes en souffrance profonde face à la vie qui ne nous fait pas toujours de beaux cadeaux, loin de là.

Délicieusement rocambolesque, ce récit de deuil farfelu profite d’un casting exceptionnel où chacun interprète s’éclate sans entrave et cela se sent. On gardera en mémoire la très énergique Jessica Williams, une Gaby punshy et décomplexée, Ted McGinley, Derek plein de bo sens et de détachement, certainement le plus équilibré mais pas le moins lucide. Et puis il y a Harrison Ford, qui s’offre ici un rôle à contre-pied des fétiches Han Solo et Indian Jones, avec le plein de clins d’oeil à sa carrière et une dose d’émotion incroyable face à ce vieil homme digne face à la maladie et qui au milieu des décombres de sa vie intime, se réconcilie avec lui-même et les autres.

Ajoutons un montage ultra-speed, une bande originale détonante, et un générique qui nous perd dans le labyrinthe topiaire de notre cerveau commun : bref Shrinking est un bain de jouvence psychique, un pur petit bonheur, intelligent, pétillant et subtil. Vite, vite, la saison 2 !

Delphine Neimon

Posted by Delphine Neimon

Fondatrice, directrice, rédactrice en chef et rédactrice sur le webmagazine The ARTchemists, Delphine Neimon est par ailleurs rédactrice professionnelle, consultante et formatrice en communication. Son dada : créer des blogs professionnels. Sur The ARTchemists, outre l'administratif et la gestion du quotidien, elle s'occupe de politique, de société, de théâtre.

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