DES : pas une goutte de sang, mais c’est bien pire …

Évoquer le parcours d’un tueur en sérier à l’écran sans le magnifier, ni en faire une star. La question avait été posée avec le prenant Extremely wicked, shockingly evil and vile qui dessinait avec un peu trop d’enthousiasme le profil d’un Ted Bundy séduisant et charismatique ; c’est du moins le débat qui avait alors couru, relançant une problématique commune à tous les biopics de serial killers. Avec DES, la question ne se pose plus.

Réconforter, accueillir, trucider

Des : le surnom de Dennis Nilsen, qui assassina une quinzaine de victimes à l’aube des années 80. des jeunes hommes, SDF, camés pour la majorité, laissés pour compte de la société britannique d’alors mise en coupe réglée par le tatchérisme. Nilsen les repérait, les réconfortait, les accueillait chez lui avant de les étrangler puis de les dépecer, conservant les dépouilles dans son appartement pour finalement s’en débarrasser quand la décomposition était trop avancée, quitte à en évacuer des morceaux via les canalisations. c’est d’ailleurs ce qui causera sa perte.

Sa perte ? Cela reste à voir. Car avec son arrestation, Nilsen connaît la célébrité médiatique, s’offrant par ailleurs le luxe de manipuler les enquêteurs et le célèbre romancier qu’il choisit comme biographe. C’est cette facette que Luke Neal et Kelly Jones mettent en relief dans la mini série DES, diffusée sur Starzplay après l’avoir été sur ITV. Et leur approche est on ne peut plus juste, révélant un visage absolument terrifiant, la dangerosité de ce type d’individu. Une dangerosité que l’auteur Brian Masters avait pu mesurer en son temps.

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Combien et pourquoi ?

C’est d’ailleurs son ouvrage Killing for Company : The case of Dennis Nilsen qui sert de socle aux trois épisodes de cette réalisation exemplaire, elle-même enchâssée dans un ensemble de récits portant sur de grandes affaires criminelles britanniques. En trois volets de 45 minutes chacun, Neal et Jones se concentrent sur l’arrestation du tueur et le bras de fer qu’il engage avec des enquêteurs proprement démunis devant l’horreur et la complexité de la situation. C’est qu’on découvre à peine le concept de tueur en série.

Certes l’Angleterre est la patrie de Jack l’Éventreur mais en 1983, quand Nilsen est appréhendé, on a à peine évolué en la matière par rapport au XIXeme siècle. Comment a-t-il tué ? Combien de personnes ? Et pourquoi ? Les policiers impliqués bien malgré eux dans cette affaire vont devoir résoudre ces énigmes pour solidifier le dossier de l’accusation et éviter que Nilsen soit reconnu irresponsable, placé en hôpital psychiatrique et relâché ultérieurement. Pour probablement recommencer de plus belle.

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Une anguille assassine

A l’époque, les enquêteurs n’ont aucun moyen, pas d’outils, pas de méthodologie (le FBI est en train d’en forger une, le profilage, dixit Mindhunter), pas de budget … rien. Mais ils perçoivent cette menace, comprennent rapidement qu’ils sont manipulés par un Nilsen particulièrement intelligent et retord, une anguille assassine qui leur glisse entre les doigts avec jubilation. Dépourvu d’empathie, Nilsen souffle le chaud et le froid, monnaye chaque information qui éclairerait l’identité de ses victimes, se rétracte, contredit ses interlocuteurs …

C’est David Tennant qui interprète le personnage, et il mérite d’être primé pour ça, tant sa prestation est excellente. Pour lui donner la réplique, Daniel Mays dans le rôle de l’inspecteur Peter Jay, et Jason Watkins dans celui du romancier Brian Masters ; eux aussi méritent d’être salués pour leur jeu de sidération, la manière dont ils signifient la lente prise de conscience de leurs personnages face à cet individu insaisissable mais particulièrement dangereux. Et leur impuissance complète, la perte de leurs repères, leur effroi.

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Que dire d’autre, sinon que, sans montrer une seule goutte de sang, aucun charnier, sans sacrifier jamais à l’habituel étalage de brutalité typique de ce genre de récit, DES est autrement plus troublant, éprouvant que les thrillers les plus spectaculaire. Et bien, bien plus authentique, judicieux et pertinent.

Et plus si affinités

https://www.starz.com/fr/fr/series/des/61391

Delphine Neimon

Posted by Delphine Neimon

Fondatrice, directrice, rédactrice en chef et rédactrice sur le webmagazine The ARTchemists, Delphine Neimon est par ailleurs rédactrice professionnelle, consultante et formatrice en communication. Son dada : créer des blogs professionnels. Sur The ARTchemists, outre l'administratif et la gestion du quotidien, elle s'occupe de politique, de société, de théâtre.

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