Black Bird : infiltration à haut risque et terreur poisseuse

Dans la série « je cherche une très bonne série à bingwatcher », je demande Black Bird. Un thriller comme il se doit, un tueur en série bien évidemment, un petit côté « true crime » sinon ce n’est pas drôle et une traque palpitante entre quatre murs, ceux d’une cellule.

Devenir pote avec un tueur en série

Le pitch est on ne peu plus simple : James Keene avait un avenir de sportif à succès tout tracé, mais il a préféré s’enrichir via la came. Et il se fait chopper. Et il se retrouve en taule. Jusque-là, rien de très émoustillant. Sauf que James a un atout, il est cool, sympa, il sait se faire accepter de ses collègues prisonniers. Du coup, le FBI lui propose un deal : devenir pote avec Lawrence « Larry » Hall afin d’obtenir sa confession. Dit comme ça, ça semble tout facile sauf que :

  • Lawrence « Larry » Hall est suspecté d’avoir assassiné une dizaine de jeunes filles ;
  • sans preuve ni aveu, il va ressortir et recommencer à tuer, et sa sortie est imminente ;
  • il est bien plus rusé qu’il y paraît, manipulateur, parlant par énigme ;
  • il sait se faire apprécier de ses compagnons de cellule comme de ses gardiens ;
  • il est enfermé dans une des prisons les plus dangereuses des USA.

« Se challenger »

Et donc James Keene est sélectionné pour s’infiltrer dans l’environnement particulièrement implosif de Hall, sympathiser avec lui et obtenir des informations sur les meurtres qu’il aurait commis. Et James Keene va accepter d’y aller, même s’il sait qu’il va pénétrer un véritable enfer et qu’il risque fort d’y rester. Mais il n’a finalement pas le choix car :

  • il doit subvenir aux besoins d’un père rongé de maladie et un brin profiteur,
  • il a atteint une limite en découvrant sur les photos de la seule scène de crime qu’on ait découverte l’horreur subie par une petite fille.

Et puis même s’il ne veut pas l’admettre, James Keen est joueur, un chouia borderline, il aime les défis impossibles, « se challenger » comme on dit. Va-t-il réussir à faire parler Larry Hall ? Va-t-il réussir à obtenir des révélations, quelques indications, à peine des indices, le moindre petit signe qui fasse le lien avec Hall et ces cadavres de fillettes affreusement abusées et mises à mort de façon abjecte ?

Taron Egerton vs Paul Walter Hauser

A partir de là, Dennis Lehane (à qui l’on doit par ailleurs Mystic River, Gone Baby Gone, Shutter Island, qu’il adaptera pour l’écran) façonne six épisodes d’une rare intensité, où il raconte par le menu cette histoire insensée mais on ne peut réelle puisqu’inspirée du roman autobiographique In with the Devil : a Fallen Hero, a Serial Killer, and a Dangerous Bargain for Redemption(Avec le diable en français) de James Keene et Hillel Levin. Outre l’apparition du regretté Ray Liotta qui incarne le rôle du père malade, la série repose sur un binôme d’acteurs assez incroyables :

  • après Kingsman et Rocketman, Taron Egerton modèle un James Keene tout en muscles, en nerfs et en intellect, qui perd progressivement le contrôle de son destin au fur et à mesure qu’il s’approche de la révélation ;
  • face à lui, Paul Walter Hauser, aperçu dans Moi, Tonya et Le Cas Richard Jewell pose un Larry Hall hypnotique, impénétrable, rusé, manipulateur. Son interprétation est proprement saisissante, confirmant le talent de cet acteur virtuose.

L’ensemble se visionne avec un sentiment de malaise croissant, une sensation de terreur poisseuse qui s’installe au fur et à mesure qu’on découvre les aspérités d’un univers carcéral odieux, où la marge de manœuvre du héros est réduite face à un tueur machiavélique. Peut-on devenir ami avec un serial killer ? Que risque-t-on à trahir la confiance de ce type de profil ? La série joue aussi sur cette ambiguïté particulièrement malsaine, Keene étant piégé entre son effroi et sa compation. C’est aussi là que réside tout l’intérêt de cette excellente série, filmée avec maestria et un sens de la concision percutant.

Delphine Neimon

Posted by Delphine Neimon

Fondatrice, directrice, rédactrice en chef et rédactrice sur le webmagazine The ARTchemists, Delphine Neimon est par ailleurs rédactrice professionnelle, consultante et formatrice en communication. Son dada : créer des blogs professionnels. Sur The ARTchemists, outre l'administratif et la gestion du quotidien, elle s'occupe de politique, de société, de théâtre.

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