
A quoi sert la photographie ? Parmi ses nombreuses attributions, il y a la captation de ce qui est en train de disparaître. Observateur d’une société en mutation, le photographe saisit la transformation des modes de vie. Guillaume Blot a quant à lui choisi d’illustrer la lente extinction des restos routiers.
Des lieux d’accueil chaleureux
Pendant six étés, de 2018 à 2024, Guillaume Blot a sillonné la France au volant de sa « Blot‑mobile », en quête d’un patrimoine en voie de disparition : les relais routiers. On en dénombrait 4500 dans les années 70 ; aujourd’hui il n’en reste que 700. Ces lieux d’accueil chaleureux pour chauffeurs, voyageurs et travailleurs, Blot a voulu en conserver la trace, pour documenter une manière d’être, des échanges, un partage.
Car c’est la fonction de ces tiers-lieux que de tisser du lien humain entre des individus nomades, forcés de par leur travail d’arpenter les routes d’Europe. Dans ces sites souvent pittoresques, on ne fait pas que nourrir l’estomac : on nourrit aussi l’esprit, la convivialité, les retrouvailles. On échange, on rit, on se repose le corps et la tête.
Une immersion humaine
Héritier d’un style à mi-chemin entre Raymond Depardon et Martin Parr, Blot capture avec un flash discret cette poésie du quotidien, ce merveilleux banal, celle d’une France qui doucement s’estompe. Sa méthode est simple, respectueuse : il s’accoude au comptoir, il échange, écoute, attend la confiance avant de déclencher son appareil.
Son tour de France a recensé plus de 120 relais routiers visités ; il en a fait une exposition accueilli par la Galerie S en mai‑juin 2025. De son périple, il a également extrait 72 lieux pour façonner un ouvrage hommage. Chaque cliché illustre l’intimité de ces établissements : tables garnies, verres de vin à 16 €, chauffeurs rieurs, douche au fond du couloir, néons imposants, plats roboratifs… le travail de documentation est d’une grande finesse, d’une grande humanité.
De l’archive à la visibilité
Graphiquement, Blot mélange argentique et numérique, jouant du flash pour rehausser les couleurs et des compositions soignées pour sublimer la rusticité — enseignes néon, comptoirs fatigués, vaisselle ébréchée, néons, moules, carafe de rouge. Ce parti pris esthétique donne à ses images un charme suranné, à la fois documentaire et poétique
Mais, plus qu’un reportage, Restos routiers est surtout un acte militant. Blot ne se contente pas d’archiver ; il tend un miroir à une société en pleine métamorphose, où le culte de la rapidité et la montée des livraisons à domicile menacent ces havres de simplicité. Il poursuit ainsi le travail amorcé sur ses séries précédentes (Buvettes, Rades), avec la ferme intention de conserver la mémoire de ces lieux et des êtres qui les peuplent.
Pour en savoir plus, consultez le site de Guillaume Blot.
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