Patrick Robine, Le Cri de la pomme de terre du Connecticut : comme le robinet de jardin qui fuit …

Le Cri de la pomme de terre du Connecticut - Photo Giovanni Cittadini Cesi
Le Cri de la pomme de terre du Connecticut – Photo Giovanni Cittadini Cesi

Reconnaissons-le, la salle du Théâtre du Rond Point était pleine à craquer, en ce soir de première, avec pas mal de collègues de bureau question cabotinage. Une audience idéale, prête à s’esclaffer à la moindre fin de phrase, drôle ou pas, la question n’étant pas là : en temps de crise, mieux vaut garder dans ses accumulateurs de l’énergie à revendre, au cas où.

Un public en or. Les abonnés, bel et bien présents, les invités, ceux enfin qui ont dû être attirés par le titre, il est vrai absurde à souhait. Sans oublier le maître de céans, Mr Ribes, le metteur en scène du one man show, pour ne pas dire du stand-up. De braves gens, en somme, applaudissant à tout rompre et rappelant l’auteur-acteur à plusieurs reprises, jusqu’à l’extinction des feux de la rampe et le rallumage de ceux de la salle vouée à la mémoire de Jean Tardieu.

L’élan du départ, un certain Ramuntcho, est perdu en chemin. Le tempo vif s’émousse dès que le texte prend le pas sur le geste – et le reste qui, pour devenir objet ou sujet à rire, suppose un certain décalage entre le signifié et le signifiant, entre le visuel et l’audio, par exemple, puisque la question du bruitage est, a priori, une de celles qui préoccupent l’artiste.

La poésie n’est pas nécessairement là où on le croit généralement, dans des phrases bien tournées, des anecdotes surjouées, de l’insolite à bon marché, des tartarinades à profusion. Il est dans l’esprit même du rire. Dans la surprise, l’inédit, l’inouï, la trouvaille visuelle, l’étincelle. L’invraisemblable n’y suffit pas. Le sans queue ni tête, pas plus. La divagation abracadabrante, à la limite. La grotesque pantomime, à la rigueur…

Paroles, paroles ! Nous exigeons des actes. Poétiques ou pas, peu nous chaut. Pas des situations comiques, du comique de situation. Nous exigeons des sons. Des bruits du passé, comme le robinet de jardin qui fuit, ou du présent – les deux allusions à De Gaulle et à Papa Schultz étant vraiment datées.

Et plus si affinités

http://www.theatredurondpoint.fr/spectacle/le-cri-de-la-pomme-de-terre-du-connecticut/

Nicolas Villodre

Posted by Nicolas Villodre