
Bienvenue dans le cerveau coupé-collé d’une machine misanthrope qui a tout d’un humain ? C’est un peu beaucoup ce que m’évoque la série Murderbot. Imaginez un robot de combat, sarcastique, allergique à la socialisation, bouffé d’angoisses sous ses airs froids et qui trompe son anxiété en visionnant des séries à la pelle : voici le schéma mental de SecUnit 238776431, le Murderbot du titre. Un Asassynth programmé pour assurer la sécurité de ses propriétaires. En théorie. Car du moment où il est adopté par une bande de scientifiques un brin idéalistes, le destin de SecUnit va bifurquer. Et pas qu’un peu.
Tueur, nounou, psychologue et fantasme sexuel
Adaptée du roman All Systems Red de Martha Wells par les frères Weitz (Paul et Chris), la série est un vrai régal, qui tranche avec les fictions SF du moment, plutôt axées sur le tragico-épique. Insolence de bon aloi en perspective ! L’humour cynique de notre héros est d’autant plus contagieux que ses observations sont d’une grande justesse.
Il faut dire que la bande d’explorateurs galactiques dont il a la charge n’a rien de l’esprit guerrier nécessaire pour jouer les conquérants sur des planètes vierges ô combien hostiles. Agent de sécurité programmé pour occire aveuglément, SecUnit s’institue à la fois nounou, psychologue et fantasme sexuel. Pour le pire et le meilleur car grâce à cet échantillon d’humains eux-mêmes neuroatypiques, il va découvrir la liberté.
Une dynamique de famille dysfonctionnelle
C’est que Murderbot (excellent Alexander Skarsgård) est tiraillé entre son instinct de survie (éviter qu’on repère ses envies de liberté, cristallisées par le débranchement du programme censé le neutraliser) et un élan de protection sincère pour ces doux dingues, émanations post-futuristes du « faisons l’amour pas la guerre » : Dr. Ayda Mensah (Noma Dumezweni), chef de mission posée, empathique, le cœur même de l’équilibre moral, Gurathin (David Dastmalchian), homme augmenté et fana de tech avare de confiance, mais un roc risible et touchant, Pin‑Lee (Sabrina Wu), Arada (Tattiawna Jones), Ratthi (Askhay Khanna), Bharadwaj (Tamara Podemski).
Voici une équipe complémentaire et solidaire, démocrate et qui va adopter SecUnit comme un membre à part entière, non en user comme d’un esclave robotique. Une dynamique de famille dysfonctionnelle s’installe progressivement, délicieusement loufoque, puissante cependant, porteuse de valeurs.
Capitalisme spatial en marche
Derrière les péripéties déjantées, les montées d’adrénaline, les instants d’émotions, les dialogues mordants et l’humour absurde, la série pointe du doigt une problématique d’envergure, à savoir l’asservissement des intelligences artificielles par une société fondée sur l’exploitation des plus faibles : une facette de l’arrogance et de la bêtise humaines, humanité qui en profite pour bousiller l’écosystème des planètes conquises et continuer de s’enrichir sans vergogne sur le dos des plus pauvres.
Le capitalisme spatial est en marche, mes amis, et Murderbot en dévoile le visage de manière acérée, via les confessions de ce robot paramétré pour taper sur les manifestants, flinguer les opposants. Un délicieux OVNI télévisuel donc qui dénonce avec acuité les dérives de notre société en s’infiltrant dans la psyché pas si numérique que ça d’un héros neurodivergent, queer‑codé, revendiquant son droit à l’introversion, au repos, à l’ironie. Il faut croire que cela plaît, la saison 2 est annoncée ! Vite !
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