La mort d’Hitler : enquête autour d’une mandibule

Officiellement, Hitler se suicide le 30 avril 1945 dans les tréfonds de son bunker berlinois. Les troupes soviétiques sont à une centaine de mètres de l’entrée de la Chancellerie, dans le fracas des bombardements : le Führer ne veut pas tomber vivant entre leurs mains. Il met fin à ses jours, en compagnie d’Eva Braun, sa compagne. Les deux cadavres sont brûlés. Ne demeure qu’un bout de crâne. C’est cet ossement que Jean-Christophe Brisard et Lana Parshina vont traquer jusqu’en Russie, au fil d’une enquête passionnante qu’ils relatent dans le trépidant récit La mort d’Hitler.

Une bataille politique acharnée

Parce que même mort, Hitler continue de poser problème. Et pas qu’un peu. Autour de ces quelques restes, retrouvés presque par hasard aux abords des ruines du Führerbunker après la capitulation allemande, c’est une bataille politique acharnée qui va avoir lieu, dont on ressent encore l’intensité en ce début de XXIe siècle. Journaliste féru d’Histoire, spécialiste de la question des dictatures (on lui doit notamment l’excellent ouvrage Enfants de dictateurs), Jean-Christophe Brisard s’attaque ici à un épineux dossier dont l’impact diplomatique et géopolitique échappe habituellement au commun des mortels. A tort, car l’enjeu est essentiel.

À peine maîtres de Berlin, les Soviétiques, sur ordre express de Staline, cherchent frénétiquement la trace d’Hitler. A-t-il fui ? S’est-il tué ? Où situer son cadavre ? Que s’est-il passé exactement le 30 avril 1945 ? Il ne s’agit pas seulement de vérifier s’il est mort ou non (ce qui est déjà essentiel, car, en cas de fuite, il faut impérativement le traquer) ; il importe également de s’approprier sa dépouille comme un trophée. La Seconde Guerre Mondiale n’est pas encore terminée que déjà la logique de Guerre Froide est à l’œuvre. Celui qui retrouve la carcasse du tyran s’impose symboliquement comme LE vainqueur du conflit. Et Staline ne veut pas laisser passer cette opportunité, pour asseoir un peu plus sa suprématie.

L’implacable bureaucratie russe

Il y aura donc une version officielle, que Brisard entreprend de démanteler avec une rigueur de limier. Pour ce faire, il va aller jusqu’au fin fond de la Russie, passant de services en services afin de voir de visu ce qui reste de Hitler. Quelques morceaux de crâne cachés au fin fonds d’archives poussiéreuses. Une honte, un secret… et beaucoup de doutes. Ces restes sont-ils ceux du dictateur ? Les Soviétiques ont-ils récupéré d’autres preuves ? Lesquelles ? Comment ont-ils procédé ? Et Brisard de se heurter à l’implacable bureaucratie russe, aujourd’hui encore particulièrement jalouse de conserver ses mystères. À ses côtés, la journaliste russo-américaine Lana Parshina, qui lui sert de traductrice, et pas seulement au niveau de la langue.

C’est d’ailleurs le côté fascinant de ce livre que de nous emmener dans les méandres de la mentalité slave, sa culture, ses codes tout en découvrant les complexités de l’appareil de surveillance soviétique. Il faudra beaucoup de patience et de diplomatie à nos deux enquêteurs pour venir à bout des pudeurs de vierge des apparatchiks et enfin découvrir les trésors ramenés des entrailles du Führerbunker, puis les faire expertiser par un Philippe Charlier au mieux de sa forme (on soulignera la grande dextérité du célèbre légiste pour faire parler la mandibule hitlérienne enfermée depuis des lustres dans une petite boite plastique anonyme).

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On était parti sur un livre historique, on se retrouve dans une ambiance de roman d’espionnage à la John Le Carré, un thriller à la Liebermann : «Hitler continue, aujourd’hui encore, à se dissimuler dans un brouillard nauséabond sous prétexte de secrets d’État, de luttes d’influence géopolitique. Soixante-dix ans ont déjà passé et la question demeure sensible.» Le livre La mort d’Hitler le démontre avec brio, un sens du suspens consommé, une approche précise et documentée.

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Delphine Neimon

Posted by Delphine Neimon

Fondatrice, directrice, rédactrice en chef et rédactrice sur le webmagazine The ARTchemists, Delphine Neimon est par ailleurs rédactrice professionnelle, consultante et formatrice en communication. Son dada : créer des blogs professionnels. Sur The ARTchemists, outre l'administratif et la gestion du quotidien, elle s'occupe de politique, de société, de théâtre.

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