Le jeune Karl Marx : le communisme en germe

Dans l’image collective, Marx s’incarne comme un vieux barbu, philosophe, révolutionnaire, le père du communisme. Le jeune Karl Marx, biopic non conventionnel du réalisateur haïtien Raoul Peck propose un autre visage en se focalisant sur le penseur émergent plein de fougue et de passion. Nous sommes en 1840 dans une Europe capitaliste traversée de profondes crises, Marx n’est pas encore l’auteur du Capital, mais s’apprête à le devenir.

Ce sont cinq années de sa jeunesse qui nous sont ici contées. Entre voyage initiatique et errance personnelle, on assiste à l’évolution de la logique du personnage éponyme. Magnifiquement interprété par Auguste Diehl, le philosophe s’inscrit avant tout dans son dialogue avec Friedrich Engels (Stefan Konarske). Ces deux hommes idéalistes et révolutionnaires sont des amis d’idées, des comparses intellectuels. Tout les oppose pourtant, l’un vivant dans la misère et l’autre fils d’un riche industriel : mais ils se retrouvent sur une éthique commune. Leur complicité elle même semble une métaphore de la lutte des classes et de son dépassement.

Outre ce duo infernal, fumant, buvant et philosophant, la féminité prend une grande place dans le film. Peck qui a obtenu l’Oscar du meilleur documentaire en 2017 pour I am not your negro, met en lumière un profil de femme intelligente, audacieuses bien que dévouée. En effet Jenny (Vicky Krieps), l’épouse de Marx, est compréhensive, multiplie les sacrifices pour soutenir la lutte de son mari mais n’en demeure pas moins une épouse volontaire et équilibrée, ayant toute sa place dans l’Histoire avec un grand « H ». C’est en somme une perception binaire d’un certain « féminisme ».

Certes le film semble parfois manquer de fond. Les idées sont par moment peu développées et le spectateur ne saisit pas toute la démarche analytique engendrant progressivement ce nouveau courant. Il faut s’attendre à découvrir un film sur la « vraie » vie de Karl et non pas un essai sur la naissance du communisme. L’élément pourtant mis en valeur et portant à réflexion est peut être plus la révolution de Marx contre la pensée philosophique abstraite que la genèse de la lutte des classes. Si concrètement la classe ouvrière est selon cette doctrine censée se révolter contre la bourgeoisie, Karl Marx, lui, se soulève contre des idées abstraites.

On appréciera cependant le jeu avec les langues française, anglaise et allemande. Ici les personnages parlent dans leur langue et en VO le rendu est très musical. Allégorie de l’ampleur du mouvement c’est ainsi toute la vieille Europe qui réfléchit à de nouvelles idées. Enfin, la conclusion constitue un beau clin d’oeil, de celui qu’on n’oublie pas ! Lorsque les premières notes de « Like a rolling stone » clôturent le film, en totale contradiction avec l’atmosphère du film, le spectateur est interloqué. Tout s’éclaire quand le générique évoque les injusticess accumulées depuis 1848, à travers des images d’archives historiques et contemporaines : on en conclut que la lutte pour l’égalité est un combat sans fin mais non sans signification.

Et plus si affinités

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Clotilde Izabelle

Posted by Clotilde Izabelle