Galerie Sator : contre le spectaculaire uniforme, la beauté d’un regard vierge ?

Homosexuality Is Stalin’s Atom Bomb to Destroy America : voici le titre ô combien évocateur et pour le moins polémique de l’exposition Yevgeniy Fiks proposée par la Galerie Sator. Sator, Vincent de son prénom. Que nous rencontrons à la Docks Art Fair de la Biennale de Lyon 2013, où il a un stand. Choix typique pour ce garçon qui n’hésite pas à investir pareil rassemblement, tout comme il sera présent à la YIA, où il produit Sub Sole, installation élaborée par Raphaël Denis et Gabriel Leger à partir d’une réflexion sur la production littéraire imprimée et l’effacement progressif des messages véhiculés.

Créations d’avant-garde, questionnement des problématiques de fond, regard large et humaniste sur notre monde et ses absurdités. Ces thématiques alimentent les choix de Vincent Sator quant à la programmation de son lieu : grand, fin, cultivé, de grands yeux bleu acier qui brillent d’intelligence et de vie tandis qu’il sourit en pensant aux cinq dernières années. Cinq ans qui ont marqué son entrée dans le monde du marché de l’art après un début de carrière dans le milieu institutionnel des musées. Cinq ans où il a appris les ficelles du difficile métier de directeur de galerie, entre entreprise culturelle, sacerdoce intellectuel et prises de risques constantes. Prises de risques calculées sur les valeurs de patience et de constance, qui se cristallisent en octobre 2011 avec l’inauguration de sa propre galerie, dont le catalogue d’artistes va s’étoffer de jeunes talents repérés à l’international.

Parmi eux Raphaël Denis, dont nous avions chroniquer les « Listes et commentaires », mais aussi Sylvain Ciavaldini, Yu Hirai, Evangelia Kranioti, Igor Makarevich, Alexeï Vassiliev,Muriel Décaillet, Romain Erkiletlian, Yan Heng, Kristina Irobalieva, Gabriel Leger, Truc-Anh, … Et derrière cette équipe en constante reconfiguration, des démarches artistiques pointues, complexes et riches, dont le site de la galerie garde trace avec soin, depuis les installations jusqu’aux vernissages et happening ou performances in situ. Des démarches artistiques appuyées sur une orientation claire de détection de talents à l’échelon mondial, et une vision lucide du marché de l’art, ses enjeux. Ses sirènes et ses pièges également, évoqués maintes fois dans nos articles, au travers de notre report sur La Ruée vers l’art, nos rencontres avec Anne lors de l’expo Hey 2, François Bordry, vice président de la Biennale de Lyon, Christian Berst, directeur de la galerie du même nom spécialisée en art brut … et voisin de Vincent Sator puisque les deux espaces jouxtent passage des Gravilliers, dans le 3eme arrondissement parisien.

Décidément le hasard n’existe pas. Cette proximité géographique crée une passerelle naturelle et une complicité évidente entre les deux hommes, qui partagent la même ferveur. Ferveur teintée de raison et de bon sens, cadrée par de solides principes et une connaissance parfaite du milieu et de ses pièges, dont Vincent Sator fait état lors de notre entretien, une heure durant, assis dans son bureau entre tableaux et livres d’art. Il en ressort une cartographie minutieuse du marché de l’art ; loin des flonflons des foires, et du cirque médiatique des grosses expos, c’est la réalité d’un travail complexe et très souvent solitaire qui transparaît. En des termes à la fois concis, précis, avec humour et sensibilité, Vincent nous explique son parcours, son quotidien, ses choix, ses rencontres, ses problématiques. Sa manière de porter les artistes, de les rendre visibles, de collaborer avec eux, de les ancrer dans un univers délicat où le regard et les motivations du collectionneur joue un rôle déterminant et parfois fatal.

Il en ressort une fresque sonore savoureuse à écouter, une visite guidée ludique et sérieuse à la fois, dans les méandres d’un microcosme où se côtoient investisseurs, grosses fortunes, professionnels, artistes, passionnés ou non, où l’éduqué se mêle au viscéral. Avec un franc parler rare et d’autant plus appréciable dans cette sphère du secret et du sélect où la langue de bois règne, Vincent Sator transmet son expérience. Un témoignage rare et précieux.

Rencontre avec Vincent Sator, directeur de galerie d’art by Delfromtheartchemists on Mixcloud

Tous nos remerciements à Vincent Sator pour ce moment privilégié et cet exposé d’une très grande qualité.

Et plus si affinités

http://www.galeriesator.com/

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Delphine Neimon

Posted by Delphine Neimon

Fondatrice, directrice, rédactrice en chef et rédactrice sur le webmagazine The ARTchemists, Delphine Neimon est par ailleurs rédactrice professionnelle, consultante et formatrice en communication. Son dada : créer des blogs professionnels. Sur The ARTchemists, outre l'administratif et la gestion du quotidien, elle s'occupe de politique, de société, de théâtre.

Website: https://www.theartchemists.com