Festival de Cannes 70 : New York, New York !

Festival de Cannes 70eme édition: comment se remettre à la fois d’une appréciation quasi-générale décrivant un cru 2017 médiocre, et d’un palmarès assez loin de placer le cinéma à la fête ? Peut-être en constatant que deux grands films de la compétition avaient pour cadre New York. L’un tourné vers l’histoire et les métamorphoses de la ville, l’autre prenant son pouls actuel. Deux sublimes cartographies, sauvages, clandestines et ultra-attachantes. En version mélodrame contemplatif ou thriller urgent, cela faisait bien longtemps que Big Apple n’avait pas briller de tels feux au cinéma.

Wonderstruck (Le Musée des merveilles) de Todd Haynes

Premier film du premier jour de compétition, Wonderstruck avait de loin des allures de pièce montée : adaptation d’un roman graphique, reconstitution de deux époques, activité paranormale, scénario alambiqué mais destiné au public familial. C’est surtout et heureusement, un immense cadeau de cinéma. Brassant avec la même attention une cascade de sujets, Todd Haynes met en scène un scrapbook impossible avec une équipe artistique au-delà de nos attentes : en tête, le chef-opérateur Ed Lachman et la comédienne Julianne Moore, figure un peu spectrale, évoquant Lillian Gish, mais totalement habitée d’un vrai-faux second rôle improbable et émouvant. Au moins depuis Carol, on connaissait Haynes comme un maître de la « vitrine d’époque ». Elle est ici pulvérisée, sans doute grâce au regard des enfants du film, planqués dans les coulisses d’un théâtre ou les greniers d’un musée.

Ils se débrouillent pour être au cœur, dans la respiration, ou dans le cerveau de ce cabinet de curiosité. Découvrant avec leur handicap, les débuts du cinéma parlant, ou une chanson de Bowie selon les époques. Assurément acteurs de leur destins et curieux du monde. De ballades dans le Queens 70’s en visions du New York des années 20, cette célébration de l’artisanat, ne parle finalement que de cinéma. Des forces inouïes qu’il peut déclencher. Du torrent de délicatesse qui nous emporte dès les premières images pour ne plus nous lâcher. Cette fois, on ne citera plus Douglas Sirk à la moindre apparition d’un cerf ou d’une biche à l’écran . Wonderstruck est un mélodrame affranchi. Où les leçons du maître ne sont plus recopiées mais repoussées dans d’autres limites, d’autres dédales. Un parcours initiatique inoubliable. Sortie le 15 novembre 2017.

Good Time de Ben & Josh Safdie

Depuis Mad love in New York, leur film précédent, la trajectoire indie des frères Safdie a gagné en intensité. Mais il faut bien admettre que peu de monde s’attendait à la course dangereuse de Good Time. Les références et comparaisons étaient donc de mise à la sortie des premières projections. Pour résumer rapidement : une greffe habile entre le cinémascope, les polars urbains de Sidney Lumet, les b.o. synthétiques, … Un retour aux sources cousu de fil blanc vers les inépuisables années 70. Et la Croisette au bord d’un nouveau précipice post-moderne ? La grande force de Good Time est au contraire de construire sa propre mythologie tout au long du film, dans un condensé inflammable de scènes haletantes ou étonnement dramatiques, d’éclats de couleurs qui surgissent à l’écran, et d’une bouteille de soda devenant élixir hallucinogène. Ainsi se jouent les tragédies dans les rues de New York aujourd’hui.

Mais on pouvait compter sur les inséparables frères (les réalisateurs et ceux du film) pour injecter un supplément d’âme dans cette cavale désespérée. Casting idéal où la « famille » Safdie intègre Robert Pattinson ou Jennifer Jason Leigh, musique percutante qui marque encore l’appétit d’ Oneohtrix Point Never (le compositeur Daniel Lopatin) pour les commandes et son don pour les transformer en réussite…Mais il y a surtout ces rencontres qui prennent place dans les parenthèses obligées du frère, braqueur et héros, pas encore tout à fait paumé. Des haltes qui n’ont rien de la carte postale pittoresque mais qui participent à un élan vers l’humain, vers le souffle d’une ville dont on ne voit que très rarement la provenance au cinéma. Sortie le 11 octobre 2017.

Et plus si affinités

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Thomas Malésieux

Posted by Thomas Malésieux