Turbulences dans les Balkans : l’art brut ou la folie comme unité ?

Allez courage, camarade, les vacances approchent, enfin tu touches au but. L’occasion pour toi de découvrir les ultimes expositions de la saison, celles qu’on n’a pas eu le temps de faire, celles que les grosses machines culturelles ont éclipsées et qui pourtant portent en leur sein cette étincelle d’espoir en l’humanité dont nous avons tous grand besoin. Parmi elles, Turbulences dans les Balkans qui occupe le premier étage de la Halle Saint Pierre en complément de la rétrospective sur la carrière de Jeunet et Caro.

Un hasard de la programmation ? Un hasard qui fait alors bien les choses, car, tandis que l’expo sur les papas de La Cité des Enfants Perdus et Delicatessen part de la fantaisie pour dévoiler des univers plus sombres et tortueux, Turbulences dans les Balkans éclaire la folie créatrice comme élément d’entente et de stabilisation. Faut-il rappeler que la zone, surnommée à juste titre la poudrière des Balkans, n’a pas un passé des plus calmes, entre guerres avec les Ottomans, premier conflit mondial, occupation nazie puis soviétique, prise en main par Tito, affrontements ethniques, éclatement en une multitude de nations qui désormais se cherchent et peinent à se trouver.

Ceux qui ont visionné des documentaires sur la guerre entre Serbes et Bosniaques comprendront la violence en action dans ces luttes épouvantables et totalement absurdes. Quant à la difficulté de retrouver ses repères au lendemain des massacres, qu’ils visionnent l’excellent La Parade, tout y est limpide ! Et l’art dans tout ça ? Même brut, il est finalement bien doux au regard de ces horreurs, voire raisonnable, pour ne pas dit raisonné. Un comble ! Là où, ordinairement les expositions de la Halle Saint Pierre vous retournent le cerveau et le ventre, vous laissant en état de choc, à la limite du malaise physique, cette dernière remet les choses en place, tranquillise, réconcilie les individus.

Dans un flot de lumière, de couleurs, de formes, de techniques, à la limite du divinatoire, les artistes présentés annulent la malédiction de leur terre natale, les différents entre les êtres, les cultures, les religions. En projetant sur l’œuvre les fantasmes et les peurs comme « une sédimentation de douleur », dixit Jakic qui a inspiré l’affiche de l’événement, chaque créateur ampute ses haines, les dissout, les abolit. C’est la seule manière de recomposer le monde sur des bases saines, pacifiques, d’éteindre progressivement la poudrière séculaire dans laquelle chacun vit, qu’il porte en lui. Ici comme à Sarajevo sous les bombes, l’art est synonyme de rempart mental, d’arme, d’exorcisme : un cri de résistance face à l’adversité, mais aussi un outil pour restaurer, affirmer même une fraternité.

Tous ici exposés sont vivants, complices, debout et comptent bien le faire savoir à la face du monde, en puisant dans leurs vécus, leurs rêves, leurs spontanéités, leurs traditions. Autre singularité, l’art brut des Balkans n’est pas encore passé sous la tutelle du marché de la culture, il échappe donc pour l’instant à la « vulgarisation » en marche dans les autres pays d’Europe comme aux USA. C’est un univers furieusement vierge et intact qu’on explore ici, univers riche d’une volonté, d’une urgence de réconciliation et qui contribue à retisser du lien, des relations entre les êtres, par delà les divergences. Alors qu’on arrive à la date anniversaire du massacre génocidaire de Srebrenica, contempler ces œuvres permet de se souvenir à la hauteur des atrocités infligées … et de dompter les démons.

Merci à Martine Lusardy et aux artistes présents :

L’ARCHIVISTE

BARBARIEN – Predrag MILICEVIC

Ion BÂRLADEANU dit Ion B.

Ilija BOSILJ BASICEVIC

Boris DEHELJAN

Aleksandar DENIC

Bojan DORDEVIC – dit Omca

Joca GERINGER

Vojislav JAKIC

Siljan JOSKIN

Dragan Gagac JOVANOVIC

Ljubisa JOVANOVIC « KENE »

Dragan MILIVOJEVIC

Vojkan MORAR

Budimir Pejak PEJAKOVIC

Nenad Dzoni RACKOVIC

Dragan “Magicni Cica” RADOVIC

Danijel SAVOVIC

Emir SEHANOVIC

Sava SEKULIC

Igor SOMONOVIC

Matija STANICIC

Ivana STANISAVLJEVIC

Milan STANISAVLJEVIC

Goran STOJCETOVIC

TANASIC Zoran par Ivan ZUPANC

Et plus si affinités

http://www.hallesaintpierre.org/tag/turbulences-dans-les-balkans/

Delphine Neimon

Posted by Delphine Neimon

Fondatrice, directrice, rédactrice en chef et rédactrice sur le webmagazine The ARTchemists, Delphine Neimon est par ailleurs rédactrice professionnelle, consultante et formatrice en communication. Son dada : créer des blogs professionnels. Sur The ARTchemists, outre l'administratif et la gestion du quotidien, elle s'occupe de politique, de société, de théâtre.

Website: https://www.theartchemists.com