Exposition / Ron Mueck à la Fondation Cartier : nos réclusions quotidiennes ?

Il n’y a pas de hasard : à peine terminée la rédaction de notre chronique sur le film What Richard did, nous visitions l’exposition Ron Mueck accueillie par la Fondation Cartier pour l’art contemporain. Et là, quelle surprise de retrouver les mêmes attitudes, les mêmes regards portant le même vide, la même peur, les mêmes questionnements, la même atmosphère, la même solitude.

Mais si le cinéaste irlandais Lenny Abrahamson sculpte la détresse de ses personnages avec une lumière fade et monotone, le sculpteur australien Ron Mueck table sur la luminosité et la transparence du teint, la perfection du trait, la méticulosité poussée au stade du sacerdoce pour restituer à l’identique les humanités qu’il nous donne à voir.

Des êtres seuls, des personnalités souvent transparentes, immobiles, posées dans la vie comme des héros de Samuel Beckett, entre drôlerie et pathétique, car elles n’arrivent pas à communiquer. L’isolement est ici l’ingrédient principal qui donne vie et souffle à ces créatures exsangues.

Chaque personnage, enfermé dans son halo de lumière, porte très discrètement les stigmates de l’existence, traduites par l’affaissement du corps, les cernes, les marbrures de l’épiderme, les verrues, la pilosité, les griffures, le bronzage factice. Christiques comme Youth, ce jeune garçon noir qui découvre étonné la blessure sanglante qui strie son flanc, comme Drift, ce baigneur crucifié sur son matelas pneumatique, le regard scellé derrière ses verres fumés.

Et à côté des ces créations déjà anciennes dans le répertoire de Mueck, trois sculptures façonnées spécifiquement pour l’occasion et qui introduisent une nouvelle dimension dans son oeuvre, celle du duo : un couple d’ados, Young couple, une femme et son bébé, Woman with shopping, deux vieillards posés sur une plage, Couple under an umbrella. La thématique ne lui était pas étrangère si l’on considère le diptyque constitué par Man in a boat 2002 et Woman with sticks 2009, sortes d’Adam et Eve hors du temps, homme et femme primitifs ou sublimations de nos psychés prises dans leurs désirs contradictoires.

Mais les nouvelles créations brisent l’effet de miroir pour rapprocher les sujets dans un rapport tactile/charnel qui décuple le sentiment de rupture. Ce sont nos réclusions quotidiennes qui soudain sautent aux yeux, tandis que nous voyons ce bébé chercher vainement le regard de sa mère, perdue dans ses préoccupations de consommatrice. Et le film Still life : Ron Mueck at work de Gautier Deblonde ajoute au parcours proposé l’introspection dans le processus de gestation et de naissance de chaque statue :

C’est une lente mécanique, à l’œuvre dans le silence et une méditation presque monacales. L’hyper réalisme de Ron Mueck se veut ainsi à la fois sociologique et philosophique, critique jamais. Observateur, attentif toujours. Démiurgique peut-être … Attentionné sans conteste.

Galerie photos : http://www.facebook.com/media/set/?set=a.449695991776001.1073741829.114156521996618&type=3

Et plus si affinités

http://fondation.cartier.com/#/fr/home/

Delphine Neimon

Posted by Delphine Neimon

Fondatrice, directrice, rédactrice en chef et rédactrice sur le webmagazine The ARTchemists, Delphine Neimon est par ailleurs rédactrice professionnelle, consultante et formatrice en communication. Son dada : créer des blogs professionnels. Sur The ARTchemists, outre l'administratif et la gestion du quotidien, elle s'occupe de politique, de société, de théâtre.

Website: https://www.theartchemists.com