
2025: l’héroïne de Bizet revient en fanfare à l’Opéra Comique, lien originel de sa création le 3 mars 1875. Aujourd’hui, plus de stupeur ni de scandale comme à l’heure de sa création. Le caractère provocateur de l’opéra n’est plus ; au contraire, le succès de la belle et indomptable gitane aurait tendance à l’étouffer. Comment célébrer ce siècle et demi sans tomber dans la redite ? Pour relever ce défi, le metteur en scène Andreas Homoki propose une de ces approches méta théâtrales dont il a le secret.
S’affranchir des carcans
Le méta-théâtre, mais encore ? Il s’agit d’un théâtre qui se dévoile, se dénude, pour réfléchir à ce qu’il est. Coulisses, machinistes, acteurs conscients de jouer… Voici la carte que joue Homoki pour explorer les dessous d’une Carmen devenue l’opéra le plus joué au monde.
Sur scène pas de décors, juste un rideau de théâtre rouge sang, le mur de brique du fond de scène ; des costumes mélangeant les époques, effaçant les appartenances, les origines. Cette Carmen mondialement connue et adulée n’appartient plus ni au patrimoine lyrique français ni au XIXe siècle finissant : une fois de plus elle s’échappe, s’affranchit des carcans.
Un somptueux phénix
Son coup de cœur fatal pour un Dom José jaloux et brutal reflète certes toutes les violences faites aux femmes au fil des décennies, mais elle constitue également l’acte dramatique par excellence. Cette essence du drame que Homoki dissèque scène après scène en jouant avec les limites temporelles.
De fait sa Carmen ne cesse d’être désirée, convoitée, intemporelle, traversant le temps sans une ride. Séductrice et libre, elle renaît de ses cendres tel un somptueux phénix pour de nouveau être poignardée à mort par son ex-amant.
Une interprétation talentueuse
La ritournelle de mort nous fascine, nous public, nous fait frémir, nous emporte. Dans cet univers sans accroche temporelle, demeurent les chanteurs, des voix somptueuses doublées d’un sens profond du tragique.
Gaëlle Arquez, Saimir Pirgu, Jean-Fernand Setti … chaque interprète de cette fresque universelle doit rivaliser de talent pour occuper un espace épuré, où la composition de Bizet se déploie dans toute sa richesse.
Carmen : un opéra à écouter ?
Soulignons la maîtrise du chef d’orchestre Louis Langrée, qui dirige l’orchestre des Champs-Elysées, le travail des choeurs, Accentus et la Maîtrise populaire de l’Opéra-Comique. L’ensemble, homogène, rend hommage au génie de Bizet, son sens du détail.
L’atmosphère qu’il campe si bien au fil de mélodies construites avec soin et précision trouve ici sa dimension. Carmen : un opéra à écouter ? C’est l’idée, dans cette version débarrassée des ors de la scène pour ne conserver que l’intensité de la musique.
Que retenir au final ? Cette production anniversaire de Carmen signe un retour aux origines doublé d’un regard contemporain, où le lieu et l’histoire dialoguent avec l’œuvre. Homoki convoque la mémoire collective de la salle Favart, interroge la frontière entre représentation et réalité, tout en s’appuyant sur une exécution vocale et musicale de haute tenue.
Et plus si affinités ?
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