
Être une femme parfaite, un épouse parfaite, une mère parfaite… et l’étaler à longueur de vidéos sur les réseaux sociaux. Quitte à basculer petit à petit dans la maltraitance la plus abjecte. Et en pensant le faire pour le bien de ses enfants. Voici en quelques mots très synthétiques le parcours de Ruby Franke. Mais peut-on résumer cette atrocité en deux phrases ? Non. Il faudra bien les trois épisodes de la série documentaire Devil in the family: the fall of Ruby Franke pour lever un voile timide sur cette tragédie familiale et tenter de comprendre.
L’image d’un bonheur familial factice
Comprendre comment cette maman en apparence attentive et pleine de vie, joyeuse et proche de ses enfants a pu en venir à pareilles extrémités. Comment son entourage, son époux notamment, n’ont pas réagi, détournant la tête devant des maltraitances de plus en plus visibles. Comment les plateformes, malgré les commentaires et les signalisations, ont continué de diffuser ces vidéos.
Pendant des années, Ruby a vendu à des milliers de followers béats l’image d’un bonheur familial factice. Le vernis craque à l’été 2023 lorsqu’un de ses enfants, couvert de coups et de blessures, amaigri, arrive à lui échapper pour se réfugier chez un voisin. Un miracle ! Sans cela, le garçon y serait probablement resté, sa petite sœur aussi. Au centre de cette dérive, le besoin d’argent, la manipulation affective, la dérive sectaire.
Une plaie béante
Et personne pour stopper ce processus. Personne. Devant la caméra d’Olly Lambert, Kevin Franke l’ex‑mari de Ruby, Shari et Chad, ses aînés, racontent. Comme ils peuvent, car aujourd’hui encore, la plaie est béante. Les colères de cette femme off caméra quand ses petits refusent de faire ce qu’elle ordonne, les punitions qu’elle leur inflige car ils n’en peuvent plus de se mettre en scène, toutes ces séquences sont dévoilées qui font froid dans le dos, interrogeant au passage ce business des parents influenceurs.
Et les vautours qu’ils peuvent attirer quand ils manquent de limite, qu’ils sont eux-même fragiles psychiquement. Quand Jodi Hildebrandt, coach parentale et ex‑psychologue, s’invite dans cette aventure, le chaos s’installe. Au cœur de ce bouleversement, des principes religieux rigides et fondamentalistes d’un autre âge. La maison devient une prison psychologique, le père, les enfants les plus grands sont écartés, les plus jeunes sont maltraités : le lien maternel déjà très toxique s’avère destructeur.
Des enfants exploités sur les réseaux
Ruby et Jodi sont arrêtées le 30 août 2023 pour abus aggravés sur mineur, condamnées l’année suivante, très lourdement. Depuis les aînés se mobilisent pour communiquer sur le sujet, avertir, informer. Et faire en sorte que la loi évolue pour protéger les mineurs d’une exploitation digitale, quelle qu’elle soit. Car c’est là le centre du problème.
La série dénonce l’ambiguïté des plateformes : ces dernières permettent de bâtir des empires sur la promotion d’images souvent complètement faussées. Les déviances, les sévices sont en embuscade derrière la mise en scène factice d’un bonheur familial dégoulinant de bons sentiments, où la mère apparaît comme la sainte du foyer, la lumière à suivre pour sa progéniture.
Une personnalité complexe et problématique
Ce contexte offre un terreau fertile pour les abus de toutes sortes. Ruby, avant même d’épouser une discipline religieuse imposée comme vertu, jusqu’à l’effroi, Ruby présente une personnalité complexe et problématique, immature qui trouve enfin une reconnaissance dans le succès de son vlog. Ses enfants deviennent des outils assurant cette visibilité, des faire-valoir, des excroissances d’elle-même. Tout cela avec l’aval des internautes et de son entourage qui y puisent une source de revenus importante.
Intense et bien menée, Devil in the Family: The Fall of Ruby Franke est une docu-série essentielle, qui creuse le malaise contemporain des familles vlogueuses consumées par l’image, les croyances extrêmes justifiant la cruauté, et le silence complice autour de la souffrance infantile. La « viralité » parentale n’en ressort pas grandie ni la société qui autorise pareille déviance.
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