
A peine bouclé le visionnage de la série Murderbot, je fais le lien avec l’inénarrable Mickey 17. La parenté saute aux yeux : même cynisme techno, même mise à nu d’un capitalisme corrosif et destructeur qui traite la vie comme un vulgaire consommable. Sauf qu’ici, l’anti-héros n’est pas une SecUnit sarcastique mais un humain cloné à la chaîne, Mickey Barnes, employé comme “Expendable” — tu meurs, on te ré-imprime et on te renvoie au front. Quand Mickey 17 revient accidentellement d’entre les morts pour découvrir qu’un Mickey 18 tourne déjà sur le même poste, la farce SF tourne à la guerre civile et à la satire sociale XXL.
Capitalisme intemporel et universel : vive le travailleur consommable
Le dispositif mis en place par le réalisateur Bong Joon-ho est limpide : industrialiser la mort pour rendre la colonisation rentable. Le boss mégalo et gourou douteux Kenneth Marshall, aussi vulgaire que dangereux, maquille la cruauté managériale en héroïsme pionnier.
Les Mickey servent de chair à canon/glaçon pendant que la com’ officielle hypnotise toute la colonie humaine embarquée dans ce périple intergalactique. Rien de neuf sous deux soleils : extraction, greenwashing cosmique, storytelling d’entreprise… une vraie machine à broyer.
Deux Mickey pour un empire
Le coup de génie du film, c’est cet effet miroir : 17 et 18 coexistent et se démontent mutuellement. On navigue entre bugs d’identité, trous de mémoire et hiérarchies absurdes (“un clone à la fois, les gars !”) jusqu’au sabotage général.
Et plus la hiérarchie serre la vis, plus la bêtise humaine dégouline : décisions brutales, panique, manipulation des masses comme politique publique. Bong avance en pas chassés :burlesque noir + émeute éthique sur fond d’extermination des natifs de la planète à conquérir. On hésite entre le fou rire et la crise de larmes.
Pattinson ×2 et opéra clownesque
Murderbot dénonçait l’asservissement des IA par l’humour désabusé ; Mickey 17 déplie la précarité organique : quand le salarié est littéralement remplaçable (au sens biologique), la contestation devient ontologique. Les deux œuvres cognent le même adversaire (mégacorpos, extractivisme, maintien de l’ordre), mais Bong privilégie l’opéra clownesque : c’est outré, parfois volontairement “too much”, et ça tabasse là où ça fait mal — dans la fabrique du consentement.
Robert Pattinson se dédouble avec un plaisir carnassier (17 vulnérable/18 agressif), Naomi Ackie impose une droiture nerveuse, Steven Yeun distille l’ambivalence, Toni Collette aiguise les angles (son personnage est proprement à vomir) et Mark Ruffalo orchestre la mascarade du pouvoir. Côté forme : neige sale, usines à clones, rituel bureaucratique — on pense à Snowpiercer, filtré par une comédie de laboratoire au bord de l’implosion.
Un petit bilan ?
Mickey 17 ne joue pas la subtilité : il hurle la logique d’exploitation, exhibe la brutalité “processée” et montre comment on abrutit les foules avec des promesses de salut collectif. Oui, c’est parfois cabossé et baroque — mais la charge anticapitaliste et l’énergie de plateau emportent tout. Et quand le clone refuse le script, c’est toute la machine qui grippe.
Et plus si affinités ?
Vous avez des envies de culture ? Cet article vous a plu ?
Vous désirez soutenir l’action de The ARTchemists ?