Exil combattant, Daniel Cordier, Auschwitz photographier : trois expositions pour trois approches du geste artistique à l’heure de la barbarie nazie

The ARTchemosts 3 Exposition Geste Artistique Vs Nazisme

Trois expositions, trois lieux, un même fil rouge qui questionne la place du geste artistique par temps de conflit, plus spécifiquement dans la Seconde Guerre mondiale. Sujets, acteurs, témoins, victimes ou survivants : entre engagement, mémoire et devoir d’histoire, ces artistes, professionnels ou amateurs, ont fait le choix de créer dans des contextes antagonistes. Le Musée de l’Armée, le Mémorial de la Shoah et les musées de la Ville de Paris conjuguent leurs regards sur cette époque noire dont l’art se fait le témoin.

Musée de l’Armée – Invalides : Un exil combattant – Les artistes et la France 1939-1945

Ils s’appelaient Ossip Zadkine, Wifredo Lam, Julio González, Jean Gabin et ils ont fui les persécutions, les pogroms, la guerre. Mais pas question de rester silencieux : en exil, ces artistes, venus d’Europe ou d’ailleurs, ont rejoint la France libre, les réseaux de la Résistance ou les salons engagés. Leurs œuvres – sculptures, peintures, affiches – témoignent d’une lutte culturelle aussi bien que politique. Leurs créations disent la fracture du monde, l’exil intérieur et la foi en une liberté qu’il fallait défendre, pinceau ou burin à la main.

L’exposition du Musée de l’Armée propose un parcours saisissant à la croisée des arts plastiques, de l’histoire et de l’engagement. En révélant les trajectoires singulières de ces artistes contraints à l’exil, elle éclaire une mémoire souvent oubliée : celle de ceux qui, tout en perdant une patrie, ont trouvé dans l’acte de création un territoire de résistance. C’est aussi une réflexion sur l’accueil de la France aux talents venus d’ailleurs, sur l’exil comme moteur de création, et sur la capacité de l’art à dépasser les frontières, les dictatures et les douleurs. Une leçon d’humanité autant qu’un hommage à l’art en temps de guerre.

Pour en savoir plus, consultez le site du Musée de l’Armée.

Musée de la Libération de Paris : Daniel Cordier (1920-2020) – L’espion amateur d’art

Résistant de la première heure, secrétaire de Jean Moulin, Daniel Cordier a incarné l’engagement total. Jeune homme issu d’une droite monarchiste, il bascule dans l’action clandestine dès 1940, puis devient une figure clé du réseau de la France libre. Après la guerre, il trouve dans l’art une autre forme de combat : celle de l’expression, de la liberté, de la rupture. Collectionneur audacieux, défenseur de la modernité, il s’entoure d’artistes comme Henri Michaux, Jean Dubuffet ou Dado, bien loin de l’académisme rassurant.

L’exposition présentée au Musée de la Libération de Paris retrace cette double vie, entre ombre et lumière, clandestinité et éclat esthétique. Plus qu’un portrait, elle interroge la manière dont l’expérience de la Résistance a façonné un regard — celui d’un homme qui, après avoir risqué sa vie pour la liberté, a défendu avec la même ferveur une liberté de création radicale. C’est aussi un voyage au cœur de l’avant-garde, une plongée dans une époque où collectionner relevait d’une vision, presque d’une mission. Un témoignage rare sur l’alliage subtil entre engagement politique et engagement artistique.

Pour en savoir plus, consultez le site du musée de la Libération de Paris – musée du général Leclerc – musée Jean Moulin.

Mémorial de la Shoah : Comment les nazis ont photographié leurs crimes – Auschwitz 1944

À Auschwitz, en 1944, certains SS ont, malgré les interdictions de leur hiérarchie, documenté l’indicible. Des officiers ont photographié l’arrivée des convois, la sélection, les gestes répétés de l’extermination industrialisée. Ces images, glaçantes, administratives, ont été retrouvées après-guerre. En face, d’autres clichés : pris clandestinement par des déportés résistants, ces photos volées montrent les corps brûlés, les cendres, l’horreur à nu. Deux regards, deux usages de l’image, deux mémoires irréconciliables.

L’exposition du Mémorial de la Shoah confronte ces documents comme des preuves — mais aussi comme des objets de réflexion. Comment représenter l’immontrable ? Comment faire face à l’archive produite par les bourreaux ? En exposant sans voyeurisme ces photographies, l’exposition ouvre un espace de pensée vertigineux sur le rôle de l’image : arme de propagande, outil judiciaire, trace d’une mémoire fragile. Un parcours bouleversant, nécessaire, qui replace la photographie dans sa fonction la plus grave : témoigner pour ne pas oublier.

Pour en savoir plus, consultez le site du Mémorial de la Shoah.

Trois expositions, une même urgence : ne pas laisser l’art au silence

Des ateliers d’exilés aux archives de l’horreur, des pinceaux engagés aux clichés du crime, ces trois expositions explorent une question fondamentale : que peut l’art face à la guerre, face à la barbarie, face à l’effacement ? À travers des formes diverses — peinture, photographie, engagement personnel ou collection militante —, c’est toujours une même nécessité qui s’exprime : celle de témoigner, de transmettre, de résister.

Dans une époque où la mémoire vacille, où les extrêmes séduisent à nouveau, où les réfugiés sont rejetés et les artistes censurés, ces parcours historiques résonnent comme des avertissements. Mais aussi comme des leçons de courage et de dignité. Car ces œuvres, ces gestes, ces images nous rappellent une chose essentielle : même au cœur de la nuit, l’art peut rester debout. Et faire front.

Et plus si affinités ?

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Dauphine De Cambre

Posted by Dauphine De Cambre

Grande amatrice de haute couture, de design, de décoration, Dauphine de Cambre est notre fashionista attitrée, notre experte en lifestyle, beaux objets, gastronomie. Elle aime chasser les tendances, détecter les jeunes créateurs. Elle ne jure que par JPG, Dior et Léonard.