Série « Une amie dévouée » : anatomie d’une mythification

The ARTchemists Une Amie Devouee

Il était une fois Christelle. Allure de rockeuse, revendiquée manageuse rock, un sens acéré de la psychologie. Et touchée de plein fouet par les attentats du 13 novembre : son petit ami était au Bataclan, il est dans le coma, sur un lit d’hôpital. Voici comment Christelle va entrer dans la vie de plusieurs rescapés du massacre. Pour les aider, les écouter, les épauler. Et les tromper car Christelle n’est rien de tout ce qu’elle prétend. Voici la trame du foudroyant Une amie dévouée.

Quête de reconnaissance

Adaptée du livre La mythomane du Bataclan d’Alexandre Kauffmann, la série Une amie dévouée détaille les mécanismes d’un mensonge. Un mensonge ancré dans une faille psychique. Christelle n’en est pas à son coup d’essai, elle a déjà monté des escroqueries, c’est une menteuse compulsive et experte. Ici nous la voyons d’abord plonger dans la sidération des attentats (nous l’avons toutes et tous été) ; mais très vite elle se reprend, parce qu’elle comprend comment elle peut exploiter cet événement à son avantage. Les rouages de la mystification se mettent alors en place à une allure folle.

De séquence en séquence, on voit Christelle tisser sa toile, repérer ses victimes, prendre contact, monter un scénario qu’elle enrichit d’échange en échange, recouper les informations pour ne pas se trahir. Elle s’invente un fiancé de toute pièce, crée un faux profil sur Facebook, petit à petit s’impose comme un pilier dans cette petite communauté traumatisée qui cherche à survivre et qu’elle aide au quotidien. Altruiste en apparence, en vérité en quête de fric, d’un job, d’un appart… et d’un statut. D’une reconnaissance. D’amour.

Un personnage aussi détestable que pathétique

Il faudra un certain temps pour la percer à jour. Un moment poignant car cette héroïne hors normes est aussi détestable que pathétique. L’impression est étrange, malsaine, perturbante. Cette fille est-elle responsable, malade ? Avec beaucoup de talent et un sens consommé de la nuance, Laure Calamy prête à ce personnage retors une intensité, une énergie qui vacille entre résilience et destruction. Chaque regard, chaque attitude laisse deviner une névrose, un trouble mental profondément ancré, une absence de limites, de morale.

Et une sacrée efficacité ; c’est d’ailleurs là qu’on perd pied car c’est un immense gâchis. Cette fille a tout pour réussir, un talent rare pour la communication, des compétences évidentes pour l’événementiel, une connaissance pointue de la scène rock. Mais elle ne peut s’empêcher de manipuler. Empathie perverse de la prédatrice qui se nourrit de la détresse de ses proies. La série ne moralise pas, ne dit pas si c’est bien ou mal, elle montre, avec une mise en scène au cordeau signée Just Philippot, énergique, nerveuse qui souligne la vitesse vertigineuse avec laquelle Florence s’infiltre dans les consciences.

Et embarquer tous ces gens dans ses mensonges, pour mieux les vampiriser. On s’identifie forcément : toutes et tous, nous avons été touché.es par cet événement atroce. Toutes et tous, nous aurions pu être tompé.es par une Christelle. Là aussi, la série Une amie dévouée fait mouche en soulignant une atmosphère de chaos propice à ce type de déviance : survivants, profiteurs, rescapés, faux amis, vrais salauds : tout se mélange. Et peut-être que c’est ça, le pire.

Et plus si affinités ?

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Delphine Neimon

Posted by Delphine Neimon

Fondatrice, directrice, rédactrice en chef et rédactrice sur le webmagazine The ARTchemists, Delphine Neimon est par ailleurs rédactrice professionnelle, consultante et formatrice en communication. Son dada : créer des blogs professionnels. Sur The ARTchemists, outre l'administratif et la gestion du quotidien, elle s'occupe de politique, de société, de théâtre.

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