
Italie fin des années 80 : après les années de plomb, la patrie de Dante et Machiavel va-t-elle retrouver un peu de sérénité ? Selon vous ? Non bien sûr. Car ces années 80 vont voir l’avènement politique d’un certain Berlusconi, qui de fil en aiguille va conquérir le pouvoir. Dans un climat de chaos marqué. C’est l’histoire de cet avènement que raconte la série 1992 – 1993 – 1994, sur fond de corruption et de mutation sociale. Avec des accents de tragédie.
Une conquête vécue depuis les coulisses du pouvoir
Cette conquête, nous allons la vivre depuis les coulisses. Devant nous, plusieurs personnages :
- Leonardo Notte, publicitaire cynique et sans scrupules, qui va tirer profit du chaos politico-judiciaire italien pour faire gagner SON candidat, un Berlusconi dont il va façonner la légende.
- Pietro Bosco, ancien soldat au tempérament emporté, adeptes des actions musclées et spectaculaires ; propulsé de la très populiste et (un brin d’extrême-droite) Lega Nord, il se trouve piégé entre ses convictions, sa probité et les compromis qu’il faut immanquablement faire en politique.
- Veronica Castello, prostituée de luxe, maîtresse de ces deux messieurs, et qui va s’engouffrer dans le show-biz et la télé réalité de l’empire médiatique berlusconien pour y faire carrière.
Trois visages, trois tempéraments qui se croisent, s’aiment, se quittent, sur fond de transformation du paysage politique italien en trois actes : état des lieux, effondrement, prise de pouvoir. Autour de ces trois héros, de vieux députés corrompus, des millionnaires corrompus véreux, une héritière camée, une journaliste arriviste, des enquêteurs prêts à tout pour démanteler ce système pourri jusqu’à la moelle. Et bien sûr des mafieux, parce que la mafia est incontournable dans cette mécanique ancestrale.
Histoire d’un effondrement
Tout ce petit monde évolue initialement en pleine affaire Mani Pulite (mains propres). Un brin d’histoire italienne moderne : au début des années 90, cette enquête d’envergure met à jour un système généralisé de détournements de fonds et de pots-de-vin. Résultat des courses : débâcle des partis traditionnels (Démocratie chrétienne, Parti socialiste), recomposition du paysage politique. Un « Nouvel Âge » se dessine progressivement qui s’avérera aussi gangrené que le précédent.
Déclinée sur ces trois années clés que sont 1992, 1993 et 1994, la montée en puissance de Berlusconi s’opère sur fond de procès (le fameux procès Enimont qui va entraîner le naufrage du PS de Craxi), d’attentats mafieux de Florence, Rome et Milan, de campagne électorale ultra-marketée. L’atmosphère, qui n’est pas à la confiance, déséquilibre les alliances, met en péril les relations ; les individus, passionnés, extrêmes, font écho à cette instabilité institutionnelle et sociale.
Une trilogie réaliste et ambitieuse
D’où la mise en valeur de la valse hésitation amoureuse entre Veronica, Leonardo et Pietro, trouple qui ne dit pas son nom et dont chacun.e à sa façon érige le monde de demain, qui avec son cynisme et son sens de la manipulation, qui avec son charme et ses atouts féminins, qui avec sa brutalité et son virilisme. L’occasion pour les créateurs/réalisateur de la série Alessandro Fabbri, Ludovica Rampoldi, Stefano Sardo, Giuseppe Gagliardi de mettre en évidence l’importance du marketing et des médias dans cette transformation qui ne fait que rebattre les cartes sans rien changer fondamentalement. Car la corruption demeure, financière, sexuelle, morale.
Esthétique soignée, interprétation d’excellence ( Stefano Accorsi qui a eu l’idée de la série, Miriam Leone, Guido Caprino, Domenico Diele, Tea Falco, Giovanni Ludeno…), la trilogie a fait mouche dès la première saison. Parce qu’elle est ambitieuse, parce qu’elle est réaliste, parce qu’elle propose un cours de politique d’une rare finesse. Parce qu’elle ne juge pas : chacun.e ici évolue comme il peut dans cette course au pouvoir, avec ses moyens, sa volonté de survie. Jusqu’à la dernière seconde et au retournement final, on suite ces personnages attachants car humains, pris dans une spirale qu’ils ne contrôlent pas ou si peu.
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