Orlando : « Nature, Nature, c’est à toi que j’appartiens … »

Orlando … l’adaptation cinématographique du roman de Virginia Woolf réalisée par Sally Potter est toujours en écho avec notre époque.

Orlando, androgyne et immmortel

Virginia Woolf s’est lancée dans l’écriture de cet ouvrage hors normes, il y a presque un siècle, façonnant une vibrante déclaration à la femme qu’elle aimait alors et qui doucement lui échappait. Vita Sackville-West, célèbre femme de lettres britannique, inspire les traits du jeune seigneur élisabéthain Orlando, à qui Elisabeth Iere, reine vieillissante, interdit de se flétrir et de mourir. Condamné à l’éternelle jeunesse, Orlando traverse les siècles, amoureux éconduit, voyageur infatigable, dont l’aventure la plus étrange demeure la mutation en femme. Mutation qu’il lui faudra assumer jusqu’à l’ère moderne, dans une période où l’émancipation du sexe faible se banalise enfin, et où le personnage peut alors vivre son androgynie sans obligation de s’inscrire dans un genre ou dans l’autre.

Sally Potter prit son temps pour adapter cette fable complexe dont la restitution à l’écran supposait, outre des coupes et des arrangements, l’abolition de la magie du verbe. Si certains regrettèrent cet affadissement incontournable, d’autres louèrent la qualité du produit fini, dans cette production somptueuse, emmenée par une Tilda Swinton particulièrement inspirée par le défi, et tout à fait à l’aise sous les traits de ce héros indéfinissable. Outre la mise en scène, la rythmique du scénario, on reste surpris par la modernité du propos. Transformé en femme, Orlando immédiatement, est confronté au pouvoir patriarcal, et ses réactions évoquent à s’y méprendre la colère féminine actuelle, qui dénonce la brutalité masculine dans une cascade de hashtags aussi vengeurs que légitimes.

La féminité en marche vers la liberté

Une séquence marque les esprits : l’héroïne empêtrée dans ses jupons et ses paniers Grand Siècle traverse avec difficulté le labyrinthe du temps ; elle en sort toujours emmêlée dans sa crinoline victorienne. Chargé de sens, ce passage signifie le poids des interdits, le corset des obligations sociales, d’une image figée qui jamais pourtant n’arrête la féminité en marche vers la conquête de la liberté. Quant à l’amour, il demeure l’issue, la sauvegarde, la lumière de vie, dans les bras d’une femme ou d’un homme, d’un être humain en somme, dont le genre n’est qu’un détail. Dans les années 90, ce film faisait écho à la lutte des homosexuels pour la reconnaissance de leurs droits, aujourd’hui, il reflète la lente mais nécessaire progression vers la perception et la reconnaissance de l’individu.

Individu échappant au genre, qui s’impose pour ce qu’il fait, ce qu’il pense, ce qu’il ressent et non plus par rapport à son appartenance sexuelle.La course d’Orlando devient le miroir de notre époque comme il reflétera très probablement les siècles futurs avec le même sentiment d’actualité. Clin d’œil du destin, 15 ans avant le film 120 battements par minute, qui relate le combat d’Act Up, Sally Potter convoquait la voix angélique de Jimmy Somerville et l’aria magnifique « Coming » comme un chant d’espoir, d’absolu, dédié à tous les amoureux du monde, la prophétie d’un futur radieux de parité, de mixité, d’unité…

Enregistrer

Enregistrer

Delphine Neimon

Posted by Delphine Neimon

Fondatrice, directrice, rédactrice en chef et rédactrice sur le webmagazine The ARTchemists, Delphine Neimon est par ailleurs rédactrice professionnelle, consultante et formatrice en communication. Son dada : créer des blogs professionnels. Sur The ARTchemists, outre l'administratif et la gestion du quotidien, elle s'occupe de politique, de société, de théâtre.

Website: https://www.theartchemists.com