À l’avant-garde : Future Sad… MidjourneyArtist et fier.e de l’être ?

Avec l’explosion des outils IA de masse, c’est tout un monde de créativité qui semble s’ouvrir, et une nouvelle génération d’artistes qui s’affirment. Certains, échappés des écoles d’art, y trouvent un nouveau moyen d’expression, d’autres, totalement novices, s’adonnent soudainement à ce qu’on pourrait baptiser sans trop s’égarer de Fluxus 5.0. Avec plus ou moins de réussite et de talent. Future Sad (Future Sade ???) fait partie de cette nouvelle vague. Et du talent, iel en a. Pour sûr.

Midjourney art

Future Sad donc. Garçon ? Fille ? Non genré.e ? Son profil Instagram reste opaque, cela n’a guère d’importance, la liberté est ailleurs, dans l’exposition d’œuvres issues de la matrice Midjourney.

  • Crédo : «Future is sad… but I’m not !!» qu’on pourrait traduire par : le futur est triste… mais moi pas !!
  • Philosophie : 🧠 + 💻 = (re)creation
  • Problématique : «Does copying reality make us artists ? Or just imposters…» aka Est-ce que copier la réalité fait de nous des artistes ? Ou juste des imposteurs…

Peu de mots donc, mais des mots justes pour apaiser la tourmente de l’IA triomphante, et nous rappeler que :

  • ce nouvel outil n’est qu’un outil ;
  • sans cerveau humain pour le piloter, il fait du sur place ;
  • il ne fait qu’ajouter une énième pierre à l’édifice d’un débat vieux comme l’humanité et le premier Homo sapiens qui a saisi un bout de charbon pour crayonner les parois de sa grotte : l’artiste est-il un copieur du réel ou un créateur ?

Un mode inédit de relations psychopompes

Le cadre étant posé, on l’évacue bien vite pour s’adonner à ce qui fait l’ADN de l’artiste, à savoir le rêve. Et des rêves, Future Sad n’en manque pas. Son univers est habité d’ados perdus dans la fourrure de peluches géantes, un brin carnassières. Couleurs acidulées de glaces saturées de colorants chimiques, regards endormis ou hallucinés après la prise de psychotropes d’un autre monde… Alice au pays des merveilles peut aller se rhabiller, avec un hoodie rose poudré de préférence, et une cagoule en mohair poussin.

Les personnages de Future Sad sont à l’aise jusque dans leur agressivité latente, leurs sourires, leur apathie. Assis au volant de bolides turquoise pour enfants trop gâtés, ils regardent l’avenir d’un œil neutre, caressant d’une main absente les chats qui leur servent de connexion avec l’univers des pauvres vivants que nous sommes. Jusqu’à présent et dans pas mal de croyances, le félin, sacré et révéré, servait de canal de communication avec les défunts et les dieux. Désormais, ils constituent le trait d’union entre les consciences humaines et les IA. Un mode inédit de relations psychopompes ?

Glitches assumés et petites phrases assassines

Illustrations de la mode du mal-être à la nippone aka Yami Kawaï, délibérément post-psychédéliques, les portraits de Future Sad sont truffés de détails infimes qui participent de leur in.cohérence. On n’ose imaginer la complexité des scripts balancés aux machines pour accoucher de pareilles images. Cela doit tenir du poème surréaliste puissance 10, du délire paranoïaque et du roman d’anticipation. Ce qui est sûr, c’est qu’il s’agit de chasser nos monstres intérieurs. Et les personnages de Future Sad n’en manquent pas, qui semblent prêts à embrasser cette partie obscure d’eux-mêmes.

S’amusant des glitches propres à l’IA, l’artiste orchestre les malformations des mains, des bras, des jambes incomplètes, des membres en trop, des mèches de cheveux s’échappant de lèvres. Bleus, écorchures, tatouages, les coups sont là, les malformations, assumées, revendiquées au travers de ces petites phrases assassines :

  • «I am one with my demons, I tame my fear and become sadness… Nothing can hurt me anymore». Je fais corps avec mes démons, je dompte mes peurs et je deviens chagrin. Plus rien ne peut me faire mal désormais ».
  • «I trust in my monsters, I trust in my sadness, she’s reel, I can always count on her…» J’ai confiance dans mes monstres, j’ai confiance dans ma tristesse, elle est réelle, je peux toujours compter sur elle »
  • «We will find sadness along the way, but if we look with our heart more than with our eyes, we will see love and joy…» Nous rencontrerons la tristesse au fil du chemin, mais si nous regardons avec notre oceur et non avec nos yeux, nous verrons l’amour et la joie »

Chaque création exposée sur le compte Instagram de Future Sad est ainsi sous-titrée, autant de cartels proches de l’aphorisme, de la maxime et du mantra, petits coups de poignards verbaux, bulles douloureuses dans ce comic book digital avec la souffrance mentale de toute une génération en toile de fond. Un travail remarquable, riche de possibilités, une évolution artistique à surveiller, car pleine de promesses.

Et plus si affinités

Pour en savoir plus sur le travail de Future Sad, consultez sa page Instagram.

Delphine Neimon

Posted by Delphine Neimon

Fondatrice, directrice, rédactrice en chef et rédactrice sur le webmagazine The ARTchemists, Delphine Neimon est par ailleurs rédactrice professionnelle, consultante et formatrice en communication. Son dada : créer des blogs professionnels. Sur The ARTchemists, outre l'administratif et la gestion du quotidien, elle s'occupe de politique, de société, de théâtre.

Website: https://www.theartchemists.com