La Loi : l’avortement comme droit, la politique comme arme

La mort de Simone Veil le 30 juin 2017 donna lieu à un concert de louanges méritées et d’hommages touchants … qui n’empêchèrent pas certains d’y aller de leur ignominieuse critique. On se souvient notamment de l’action particulièrement odieuse d’un groupuscule anti-avortement inaugurant un site de propagande sous couvert de célébrer la mémoire de l’ancienne ministre. Média et opinion publique exprimèrent leur dégoût … oubliant au passage que cette atmosphère pour le moins délétère fut le quotidien de Simone Veil au moment de faire voter la loi autorisant l’ IVG. Une mise au point que le film La Loi, se charge de faire avec précision.

En une heure et trente minutes captivantes, le réalisateur Christian Faure retrace ces quatre journées de marathon législatif, où la ministre dût combattre à chaque seconde pour imposer ce qu’elle considérait comme une urgence sociale. En effet ce n’est pas un idéal féministe qui la guide mais bien une situation sanitaire déplorable, les victimes d’avortements clandestins se multipliant dangereusement. Toutes alors n’ont pas les moyens d’aller à l’étranger pour interrompre des grossesses non désirées, elles agissent donc par leurs propres moyens, s’estropiant très souvent quand elles ne succombent pas à des septicémies ou des hémorragies.

Partant de ce constat, Simone Veil établit un texte qui vise à légaliser un geste médical qui sauverait la vie de milliers de françaises en danger, dans un pays où l’accès à la contraception n’est autorisé que depuis huit ans, via la loi Neuwitz qui du reste encadre sévèrement toute publicité. Pourtant les lignes bougent, le Manifeste des 343 salopes est passé par là, les associations féministes se mobilisent tout comme certains médecins, avocats et artistes. La légalisation de l’avortement devient une priorité, et les politiques doivent s’aligner, même si beaucoup rechignent, principalement à droite, tendance dont Simone Veil fait partie. Il va alors lui falloir combattre contre son propre camp.

Très intelligemment, le scénario, auquel une certaine Mazarine Pingeot prête sa plume en collaboration avec Samuel Doux, fait le lien entre la réalité de la rue et l’ambiance feutrée des salons ministériels, des couloirs de l’Assemblée, dont l’hémicycle devient une arène où s’affrontent les opinions, avec Simone Veil comme leader et tête de turc. Car elle va essuyer toutes les insultes, les coups bas possibles, jusqu’à la traiter d’exterminatrice, elle qui a échappé par miracle aux camps de concentration. Cette violence verbale et psychologique qui trouve un écho dans une population divisée, n’est pourtant qu’un arbre cachant la jungle bien plus complexe des tractations et des stratégies.

Sur quatre jours, Simone Veil rencontre les différents meneurs des partis, revoit les alliances, négocie, clamant les ardeurs des uns, écartant les plus fanatiques, convaincants les détracteurs,faisant fi des menaces et des moqueries, droite et concentrée sur son objectif, retournant régulièrement auprès de son époux et de son foyer pour y puiser le calme et l’énergie nécessaires à une lutte incontournable. On appréciera tout particulièrement l’interprétation d’Emmanuelle Devos, tout en retenue, digne, intense dans le regard, l’économie des mots, la tension de la voix … Autour d’elle, pour incarner cette faune, des pointures comme Lorant Deutsch, Bernard Menez ou Michel Jonasz, pour ne citer qu’une partie d’un casting d’exception qui redonne vie à cette véritable épopée, doublée d’une leçon de vie politique.

Tourné en 2014, ce film demeure dans l’air du temps, pour rappeler combien cet acquis fut difficile à conquérir, combien il demeure fragile et doit être préserver alors que les forces antagonistes persistent à abattre cette liberté. Par ailleurs l’intrigue dévoile la complexité d’un paysage institutionnel et législatif que beaucoup aujourd’hui ont tendance à oublier, voire ignorer. La Loi rappelle avec pertinence et clarté combien il faut de temps pour imposer un texte aussi réformateur, du temps, de la justesse d’esprit, de la ténacité, de la diplomatie, de l’humilité, de la conviction. Autant de facteurs qui évacuent la précipitation, l’immédiateté ou la nonchalance.

Et plus si affinités

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Delphine Neimon

Posted by Delphine Neimon

Fondatrice, directrice, rédactrice en chef et rédactrice sur le webmagazine The ARTchemists, Delphine Neimon est par ailleurs rédactrice professionnelle, consultante et formatrice en communication. Son dada : créer des blogs professionnels. Sur The ARTchemists, outre l'administratif et la gestion du quotidien, elle s'occupe de politique, de société, de théâtre.

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