La Traviata by Sofia Coppola : Violetta lost in translation

C’est quand même fou : si l’on minute l’opéra La Traviata de Verdi, on réalise qu’il faut environ deux heures à l’héroïne Violetta Valery pour tomber amoureuse du bel Alfredo Germont, plaquer sa carrière de demi-mondaine afin de vivre sa passion comme une rédemption, y renoncer pour sauver la réputation de son jeune amant, reprendre sa carrière de courtisane sur un rythme effréné, se faire insulter par le même Alfredo qu’elle a plaqué pour le préserver, se laisser dévorer par la tuberculose et finalement mourir dans les bras de son bel amour venu implorer son pardon.

Un sacrifice express donc, mené tambour battant dans une société où une pute, même de haut vol, doit rester à sa place et ne pas s’acoquiner avec un bourgeois. Pas de mélange, pas de mélange ! S’explosant le crâne sur le plafond de verre de son amour, Violetta part en vrille dans un grand huit de feu qu’elle arrose avec l’essence du désespoir. Un sujet de choix pour un Verdi habitué aux grandes prouesses mélodiques … et pour une Sofia Coppola prompte à se saisir des errances féminines post-modernes pour en faire le sujet de ses films.

Ici c’est pourtant sur la scène du Teatro dell’Opera di Roma qu’elle explore la douleur suicidaire d’une héroïne renonçant un peu trop vite à son bonheur pour faire le jeu d’une société qui lui crache à la gueule mais dont elle veut respecter les codes envers et contre tout. Contradiction qui ressort dans un flot de mousseline noire et blanche, en accord avec les nuances mentales du personnage inspiré par Alexandre Dumas fils. La réalisatrice vient ainsi renouer avec cette tradition qui précipitent les classiques de l’art lyrique dans les bras des grands metteurs en scène.

Luchino Visconti et Franco Zeffirelli, entre autres, avaient fait une chasse gardée du succès de Verdi, au travers de lectures absolument sidérantes de luxe et de beauté. Sofia Coppola reprend le flambeau en s’associant au couturier Valentino qui réalise les costumes du personnage principal. A l’affiche notons l’excellente Francesca Dotto, le talentueux Antonio Poli, à la baguette Jader Bignamini. On appréciera par ailleurs le côté festif de cette première représentation filmée par Francesca Nesler qui capture l’arrivée des guest stars sur un tapis rouge qui évoque celui du festival de Cannes.

Ou quand l’opéra devient people ? Une manière d’attirer un nouveau public plus adepte des tabloïds et des comptes instagram de ces célébrités que mélomanes avertis ? Cette entrée en matière s’avère en tout cas bien ironique en regard du destin d’une call girl qui fait justement tout pour échapper à ce milieu avant d’aller s’y noyer sans retour possible. Violetta lost in translation …

Et plus si affinités

https://www.arte.tv/fr/videos/068537-000-A/la-traviata-par-sofia-coppola-valentino/

Delphine Neimon

Posted by Delphine Neimon

Fondatrice, directrice, rédactrice en chef et rédactrice sur le webmagazine The ARTchemists, Delphine Neimon est par ailleurs rédactrice professionnelle, consultante et formatrice en communication. Son dada : créer des blogs professionnels. Sur The ARTchemists, outre l'administratif et la gestion du quotidien, elle s'occupe de politique, de société, de théâtre.

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