Kaboul Kitchen : real politik, cuisine afghane et kalachnikov !

Kaboul Kitchen

Trois semaines de vacances, l’occasion de rattraper son retard de visionnage, avec notamment Kaboul Kitchen, laissé dans les tiroirs par manque de temps. Grossière erreur, car les deux saisons sont justes exceptionnelles par l’originalité du scénario, la qualité de réalisation et d’interprétation et la pertinence du sujet, qui nous rappelle par bien des points l’expérience vécue en relatant les aventures du Sound Central Festival.

Ancien reporter qui a donné dans l’humanitaire, baroudeur de première, et aventurier dans l’âme, Jackie Robert n’a jamais pu se fixer, ni dans un endroit, ni auprès d’une compagne. Il faudra son parachutage dans Kaboul pour qu’il trouve à se nicher. Nous sommes en 2005, dans un Afghanistan qui peine à se relever de la guerre, et sert de vache à lait aux puissances occidentales, désireuses de s’approprier les richesses minières du pays.

Américains, européens, les expats, militaires, businessmen ou institutionnels, ne savent où prendre du bon temps, une fois leur mission diurne bouclée. Dans ce pays islamique, pas de tripot, pas de restau, pas de porc, pas d’alcool, … Jacky ouvre alors le Kaboul Kitchen, histoire de racoler tout ce beau monde dans une fiesta sans fin. Piscine, beuveries, coucheries, joints à gogo, le rusé renard a ses filières pour dégoter du cochon et du champagne, et sait recevoir.

Du coup il palpe, et s’enracine dans cette contrée qu’il aime. Jusqu’à ce que sa fille débarque, pour rejoindre une ONG quelconque et venir se rappeler à son bon souvenir de père irresponsable. Jusqu’à ce que son associé fasse ami ami avec un dictateur local, narcotrafiquant de surcroît. Jusqu’à ce que la CIA vienne coller le pif dans ses relations, histoire d’espionner à qui mieux mieux les pontes qui débarquent dans ses locaux passer un bon moment.

Bref les bases sont posées pour pondre une enfilade d’épisodes rapides et nerveux, d’une incroyable énergie, drôles autant qu’accrocheurs et assez proches de la réalité, puisque tournés pour les scènes en extérieur là-bas. Inspirées du parcours de Mark Victor qui vécut ce type de situation, les mésaventures de Jacky sont façonnées par Allan Mauduit et Jean Patrick Benes dans un esprit qui tient à la fois du Kaamelot d’Astier et de Kebra le Rat de Tramber et Jano. Bref Plus belle la vie sous acide mixée avec Narcos et C dans l’air.

Faites confiance à Gilbert Melki pour incarner un Jacky à la fois manipulateur, charmeur et dépassé par les événements, sincère autant que retors auquel Simon Abrakian donne la réplique dans le rôle du truculent, dangereux et si attachant colonel Amanullah. Autour d’eux toute une farandole de personnages complètement barrés, journaliste séducteur et un peu salaud, petites humanitaires à la libido en surchauffe, serveurs du cru faisant le grand écart entre la culture occidentale et leurs habitudes d’afghans.

C’est là que la série prend toute sa saveur, dans cette justesse de vue sur la confrontation des mœurs. Car il faut composer en permanence avec une population qui peine à s’ouvrir à la modernité, enferrée dans la misère, l’illettrisme et le fanatisme religieux. Autant dire que c’est souvent chaud, et les scénaristes ne s’épargnent aucune situation borderline, entre enlèvements, bassesses des soi disant humanitaires, méthodes expéditives des barbouzes, émeutes, deal de came, élections truquées … Bref on y perd vite ses valeurs démocratiques bien proprettes, et il faut vite revenir à la real politique la plus factuelle.

Burka, éducation des filles, poids de la tradition, rapport à l’argent, violence quotidienne, chaque nouvel épisode rappelle que les choses ne sont pas si simples quand on est sur le terrain, et qu’il faut parfois oublier ses grands principes pour voir comment fonctionne l’autre, pour dialoguer, écouter et s’entraider. Primée plusieurs fois, la série plaît parce qu’elle amuse, dépayse, mais surtout parce qu’elle sait poser ces questions en les sortant du cadre médiatique souvent trop spectaculaire pour l’enchâsser dans des configurations du quotidien. C’est là sa grande valeur, son originalité.

Et plus si affinités

http://www.canalplus.fr/c-series/pid4184-c-kaboul-kitchen.html

Padme Purple

Posted by Padme Purple

Padmé Purple est LA rédactrice spécialisée musique et subcultures du webmagazine The ARTchemists. Punk revendiquée, elle s'occupe des playlists, du repérage des artistes, des festivals, des concerts. C'est aussi la première à monter au créneau quand il s'agit de gueuler !