Gimme Danger : Iggy Pop et les Stooges parce que le rock aura toujours furieusement besoin d’iguanes

« Un jour j’en ai eu assez de regarder le cul des autres » … Et c’est ainsi que Iggy Pop a quitté sa batterie pour devenir le front man d’un des groupes les plus emblématiques de l’histoire du rock. Les Stooges ont en effet laissé leur trace dans ce terreau artistique incroyable, au moment où toute la culture moderne bascule, où les vieilles valeurs morales et esthétiques partent en fumée. Et reconnaissons-le : Iggy et ses iguanes ont largement contribuer à embraser cet incendie, pour le meilleur du meilleur.

C’est cette histoire dans l’Histoire que Jim Jarmusch saisit avec Gimme Danger. Reprenant l’un des titres phares du légendaire troisième album du groupe Raw Power, le réalisateur de Mystery Train et Only Lovers left alive retrace cette véritable geste où drogue et sauvagerie se mêlent pour initier un son neuf, chargé d’une énergie sismique digne de la gestation des mondes. Au cœur de cette tornade, Iggy Pop donc, dont les gesticulations simiesques de gorille en colère donnent le tempo à des musiciens en transe, qui assènent ainsi leurs accords inspirés des usines d’aciérie de Detroit.

Le fracas des presses à l’œuvre dans le chaos automobile se mêle aux accents sirupeux et envapés du Velvet Underground, à la rage des MC5 pour engendrer cette musique incroyable, dont le riff mythique de « I wanna be your dog » résume la farouche puissance démiurgique. Accords de gratte implacables, percussions guerrières et incantatoires, une ligne de basse comme un coup de rasoir répété, et par dessus tout ça, les punchlines d’un Iggy voué à l’ultra synthèse : pour que ça soit bon, moins de 25 mots. Un sens de l’économie qui fait mouche à tous les coups, dixit « No fun ».

De témoignages en documents, d’extraits de concert en souvenirs, Jarmusch déroule cette épopée avec une tendresse certaine, une évidente complicité. Devant l’objectif, c’est un Iggy Pop souriant et un brin goguenard qui raconte le début, le milieu et la fin, tirant les enseignements de cette gigantesque virée au pays du rock. Avec simplicité et humilité, ce type et ses potes veulent, après avoir ouvert la voie au punk et dépoussiérer le rock, désormais justes être, sans se cloisonner dans un registre précis. Leur retour sur scène après des années de séparation fut un grand bonheur, un chant du cygne.

Eh oui, les Stooges aussi ont leurs fantômes, leurs génies tutélaires, entre autres les frères Ashton, montés au paradis des rockers. Disparus mais nullement oubliés, bien au contraire, et Jarmusch de transmettre cette mémoire, d’un groupe mais aussi d’un contexte, d’une époque absolument, incroyablement créative et féconde. Qu’Iggy soit un survivant, nul doute, il le sait lui-même, tandis qu’il raconte son ressenti assis devant son sèche-linge, avec ces grands yeux ouverts sur le monde, cette éternel bouille d’ado chiatique et ingérable, cet élan de bête de scène géniale et sans limite aucune. Que lui et son groupe aient bâti un mythe moderne, aucune importance … et c’est ça qui est juste savoureux …

Et plus si affinités

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Delphine Neimon

Posted by Delphine Neimon

Fondatrice, directrice, rédactrice en chef et rédactrice sur le webmagazine The ARTchemists, Delphine Neimon est par ailleurs rédactrice professionnelle, consultante et formatrice en communication. Son dada : créer des blogs professionnels. Sur The ARTchemists, outre l'administratif et la gestion du quotidien, elle s'occupe de politique, de société, de théâtre.

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