Festival d’Avignon Day 5 : Nager à contre courant

Fantasio au Théâtre du Train Bleu

Parfois le hasard fait bien les choses ; on se retrouve ce soir au Théâtre du Train bleu, « the place to be » à Avignon, pour voir Fantasio d’Alfred de Musset. Dynamisée par une joyeuse troupe, la Compagnie du Banquet, la pièce est emmenée par Arthur Weil, 22 ans et déjà prometteur, qui ne se contente pas de revisiter cette comédie romantique mais en donne une version à la fois totalement décalée et fidèle aux texte original. Un texte qui parle de l’élan de la jeunesse et des choix cornéliens entre le cœur et la raison, le tout enveloppé d’envolées philosophiques incarnées par ce Fantasio (formidable Padrig Vion dans ce rôle, une vraie découverte!). Le plateau d’abord transformé en boite de nuit, est le terrain de jeu de ces jeunes comédiens, qui emmènent avec eux une salle conquise, à la moyenne d’âge rajeunie, et ça fait du bien !

Le Théâtre du Train bleu est décidément un lieu qui insuffle un vent nouveau dans le marasme des 133 salles et 1538 spectacles de ce festival off 2018. Né du désir de trois comédiens du Cours Florent (Aurélien Roudeau, Charles Petit et Quentin Paulhiac), il a d’abord été conçu à l’image du théâtre idéal où ils auraient aimé se produire à Avignon. Ils ont donc trouvé un ancien hangar à voitures en plein cœur de la ville, et l’ont transformé en 2 salles de 160 et 90 places. Un pari fou quand on connaît l’économie du festival et le gouffre financier que cela peut représenter. Avec de l’audace et beaucoup de chance (et notamment grâce au Lucernaire à Paris qui a mis la main au portefeuille), ils ouvrent leurs portes pour la première fois à Avignon cette année avec une vingtaine de spectacles.

Forts d’ une certaine exigence, les trois compères proposent une programmation qui donne à voir un théâtre émergent sans entrer dans quelque chose d’élitiste et tout en laissant la part belle aux compagnies qui trouvent ici un lieu qui les accompagne et les écoute. « On a voulu montrer qu’Avignon n’était pas forcément une machine à lessiver les équipes ou à créer de la rancoeur » renchérit Aurélien Roudeau, « c’est un endroit qui a été créé pour les compagnies et qui nous permet d’affirmer quelque chose de fort artistiquement, plus facilement qu’à Paris ». Le résultat est là avec des spectacles aussi déjantés que Nique sa mère la réinsertion, mais aussi le puissant Trois hommes sur un toit, et le militant Made in America.

100 mètres papillon à La Manufacture

Aller contre les conventions, nager contre le courant, c’est ce que réussit à faire Maxime Taffanel, ancien nageur de haut niveau, devenu comédien sur le tard, dans le spectacle 100 Mètres papillon à la Manufacture.

Abandonnant une carrière toute tracée mais vide de sens, qui lui pesait, c’est en arpentant un plateau qu’il s’est mis à rêver à nouveau et à éprouver des sensations. Dans ce seul en scène, il revient sur sa carrière dans les bassins, avec beaucoup d’humour et d’humilité, il raconte le dur apprentissage, les compétitions, les défaites, les victoires et son rapport avec son entraîneur, sorte de démiurge tyrannique.

Surtout, il parle de sa relation avec l’eau, comme il parlerait d’une femme, qui lui caresse la peau, respire avec lui et lui file entre les doigts. L’histoire d’un renoncement et d’un homme qui a eu le courage de dire non, mais quelle récompense au final, de lui voir les yeux briller quand les applaudissements retentissent !

Et plus si affinités

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Anne Verdaguer

Posted by Anne Verdaguer