Une Famille heureuse : des femmes … comme des fleurs dans un placard

Nous voici en Géorgie de nos jours. Manana, la cinquantaine fatiguée, vit avec mari, enfants et parents. « Une famille heureuse » qu’on envie. C’est que la cellule familiale représente un pilier essentiel de cette société très religieuse, elle en définit les liens, et le groupe passe toujours avant l’individu. Dans cet univers, la femme est considérée comme inférieure, faible, une éternelle mineure que l’homme protège et malmène à son gré. Manana, contrairement à d’autres géorgiennes, n’a jamais subi de coups, son compagnon est respectueux, elle a suivi des études, est enseignante, établie, reconnue. Pourtant elle va partir.

Et son départ va profondément secouer le microcosme patriarcal dont elle porte le poids. Car Manana, et nous le voyons dès les premières images, n’en peut plus. L’omniprésence du clan, le regard des autres, l’absence d’intimité, … dévorée de l’intérieur par une mère castratrice, un époux passéiste, des enfants nonchalants, elle plaque tout, après avoir médité son geste. Comme un impératif, une délivrance, l’occasion ultime de se retrouver et de reconstruire progressivement les liens effacés par l’habitude.

Car une fois dans ses meubles, Manana va progressivement se retrouver et retrouver les siens. Autrement certes mais avec une tendresse, une vérité renouvelées. Dans ce monde où les sentiments sont camouflés, où les amours se cachent, les rumeurs vont bon train, le seul vecteur de communication demeure la musique et ces chants traditionnels qu’on entonne quand le clan est assemblé. De retrouvailles en retrouvailles, Manana va de nouveau chanter, écouter aussi, Mozart notamment, et reconquérir son éclat, son valeur aux yeux d’un mari anciennement volage, à la fois égaré et séduit par cette émancipation.

Manana reconstruira-t-elle ce amour qui finalement n’a jamais existé ? Le saura-t-on jamais ? Le fim de Nana et Simon n’apporte aucune réponse. L’important ici est de voir l’héroïne, interprétée par la si juste et attachante Ia Shugliashvili, sourire de nouveau, s’illuminer de séquence en séquence, pareille à ce bouquet de fleurs cachées dans un placard, qui retrouvent leur fraîcheur quand on les dévoile pour les lui offrir. On appréciera la beauté de la photographie, des plans simples mais d’une grande émotion, le bruit du vent dans les feuilles des arbres, le son de la pluie, les lumières douces et subtiles, qui rehaussent ce lent parcours vers la plénitude.

Et plus si affinités

http://distribution.memento-films.com/film/infos/79

Delphine Neimon

Posted by Delphine Neimon

Fondatrice, directrice, rédactrice en chef et rédactrice sur le webmagazine The ARTchemists, Delphine Neimon est par ailleurs rédactrice professionnelle, consultante et formatrice en communication. Son dada : créer des blogs professionnels. Sur The ARTchemists, outre l'administratif et la gestion du quotidien, elle s'occupe de politique, de société, de théâtre.

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