Battle of the sexes : déculottée machiste à l’heure du tennis féministe triomphant

Le XXIeme siècle sera féminin ou ne sera pas ! Femen par-ci, #balancetonporc par là, la grogne des femmes prend aujourd’hui tournure de révolution sociétale de fond… ce qui n’est pas une nouveauté. Les années 70 ont engendré leur lot de pionnières, entre lutte pour la contraception et revendication de l’égalité des droits. La championne de tennis Billie Jean King participa au chambardement en mettant KO le joueur Bobby Riggs, qui l’était imprudemment défiée, au terme d’un match spectaculaire retransmis à l’international. C’est le sujet du film Battle of the sexes.

Un récit palpitant et lumineux

De cette histoire donc, Simon Beaufoy, scénariste entre autres de The Full Monty, se saisit pour engendrer un récit palpitant et lumineux, mis en scène avec énergie et humour par les très inspirés Valerie Faris et Jonathan Dayton, parents heureux de Little Miss Sunshine. Devant la caméra, Emma Stone et Steve Carell endossent les identités pétillantes de ces deux trublions qui se ressemblent beaucoup, malgré leurs divergences. Et c’est ce qui frappe le plus quand on suit le fil de cette aventure rocambolesque qui marque des temps nouveaux.

D’un côté donc, Billie Jean King, jeune athlète adulée, bourreau de travail qui refuse d’être payée un dixième du salaire des joueurs pros pour la simple raison qu’elle est une femme, et qui va progressivement découvrir son homosexualité en des temps où il vaut mieux taire cette attirance. De l’autre, Bobby Riggs, champion vieillissant, macho dans le discours, en vérité un papa gâteau fou de sa femme qui le plaque car Monsieur, rongé d’ennui, est un parieur compulsif. Des êtres humains, quoi ! Mais des êtres humains doués de talents et dingues de tennis, des êtres humains qui vont se servir de ce don pour faire parler leurs valeurs.

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Moins payée qu’un homme car moins spectaculaire

Lui s’en servira pour gagner de l’argent, elle pour imposer son discours. Et leur antagonisme va entraîner dans son sillage une population d’autant plus séduite que ces revendications font écho dans leur tête et dans leur cœur, certains figés dans leur conception rétrograde d’une société polarisée avec l’homme dominant, la femme aux fourneaux, d’autres désireux qu’enfin les choses changent. Les échanges se veulent bon enfant, mais la violence de certains propos laisse sans voix, tant ils sont inconséquents. Notamment l’échange entre un Jack Kramer bouffi de suffisance et une Billie Jean stupéfaite d’entendre qu’on ne peut la payer à l’égal d’un homme, car elle est moins spectaculaire.

C’est ce discours, omniprésent durant tout le film, qui explicite la hargne de la joueuse et de ses consœurs, une hargne qui reflète celle de toute une population féminine jeune, fatiguée d’être considérée comme portion congrue inféodée aux desiderata de la virilité. Et il n’y a pas que les jeunettes qui en ont assez, leurs mères aussi, également les homosexuels, ainsi Ted Tinling, designer qui introduit la couleur dans les tenues de ces sportives, joué par un Alan Cumming adorable et tout en nuances… et certains messieurs hétéros, ainsi le mari de Billie Jean, dont on soulignera l’incroyable intelligence et l’abnégation.

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Derrière les affrontements idéologiques, le fric reste roi

Bref, le combat de Billie Jean et de ses camarades, pénalisé par un renvoi de la fédération, devient celui de plusieurs communautés, et trouve un écho favorable jusque chez certains sponsors, dixit Philipp Morris qui en profite pour placer ses cigarettes à l’avant-garde du combat féministe, cherchant ainsi à conquérir une clientèle qui jusqu’alors boudait ce type de produits (cf l’excellente websérie documentaire #Propaganda qui évoque ce challenge). De loin en loin, le business pointe le bout de son marketing pour rappeler que derrière les affrontements idéologiques, le fric reste roi.

C’est du reste ce qui a probablement bousillé le match de Riggs, que nous voyons se perdre dans les méandres d’un star system qu’il affectionne, mais qui va vite altérer ses facultés d’athlète.En deux heures de film, c’est une fresque de la société en phase de modernisation que nous voyons se dérouler. Tout ce que nous vivons aujourd’hui s’est dessiné alors. Égalité des sexes, acceptation des attirances, société du spectacle, règne de l’argent, ultra médiatisation, tout explose alors, et n’en finit plus de recommencer… C’est peut-être l’enseignement à tirer de ce film enlevé et savoureux qui rappelle que nous n’avons pas le monopole d’un combat universel.

Et plus si affinités

Le film Battle of the sexes est disponible en DVD ou en VoD.

Delphine Neimon

Posted by Delphine Neimon

Fondatrice, directrice, rédactrice en chef et rédactrice sur le webmagazine The ARTchemists, Delphine Neimon est par ailleurs rédactrice professionnelle, consultante et formatrice en communication. Son dada : créer des blogs professionnels. Sur The ARTchemists, outre l'administratif et la gestion du quotidien, elle s'occupe de politique, de société, de théâtre.

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