Antigone à la Comédie Française : un frisson

Un frisson est un tremblement involontaire, plus ou moins généralisé des muscles. C est la sensation qui guidera ce soir mon approche de la magnifique Antigone de Marc Paquien à la Comédie Française.

Je frissonne tout d abord dès mon entrée dans ce lieu chargé d’Histoire. Cette institution culturelle ne peut laisser un amoureux de théâtre indifférent. La maison de Molière nous séduit sans cesse par sa beauté, son passé et sa qualité. Je m’assoie, admire ce qui m’entoure, ferme les yeux et imagine tout ceux qui avant moi depuis 1681 ont aussi frissonné.

Je frissonne aussi à chaque fois que je relis Antigone, deux fois par an depuis mes quinze ans. Mon amour est inconditionnel pour la puissance de ce texte pourtant si simple, écrit en prose. Le contexte historique me fait lui aussi frissonner. Qui peut écrire sous l Occupation une pièce faisant l apologie de la révolte sous l’oppression ?

Je frissonne devant ces tirades apprises par cœur : « La vie ce n est pas ce que tu crois. C’est une eau que les jeunes gens laissent couler sans savoir entre leurs doigts ouverts. Ferme tes mains, ferme tes mains, vite retiens la. Tu verras cela deviendra une petite chose dure et simple qu’on grignote assis au soleil. »

Je frissonne devant la beauté de la mise en scène. Modernité et fidélité sont les maîtres mots de la lecture réussie de Marc Paquien. Clotilde de Bayser, interprétant le Chœur, ouvre le spectacle dans une robe verte. Ici le vert n’est point symbole d’espérance, la puissance de sa diction révèle le tragique à venir. Bruno Raffaelli/Créon et Françoise Gillard/Antigone maîtrisent à merveille leurs rôles respectifs. Elle, la petite maigre assise là-bas, nous ébahit de sa prestance.

Personnage de toutes les ambiguïtés, Antigone se révèle beaucoup plus humaine et Créon beaucoup plus vulnérable que ce que ses fonctions lui permettent. Le décor sobre de Gérard Didier replace la beauté du texte au centre de tout. Seules trois portes claquantes dans un grondement et un mur qui enferme de plus en plus, voilà le vrai visage du spectacle. Pas besoin de mille artifices, la puissance est bel et bien omniprésente.

Je frissonne tout le long, je célèbre en sortant ce merveilleux théâtre, Anouilh mon auteur tant adoré, l intemporelle Antigone et surtout cette magnifique représentation.

Et plus si affinités

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Clotilde Izabelle

Posted by Clotilde Izabelle