Juliette Dragon – Seb le Bison : une décennie de burlesque !

Depuis le Paris Burlesque Festival et nos chroniques, de l’eau a coulé sous les ponts, beaucoup d’eau pour ces hyperactifs que sont Juliette Dragon et son Bison de Seb. Boas, éventails et corsets à peine remballés dans les malles, nos tourtereaux partaient en effet sur le sentier de l’enregistrement, passant en studio mettre en place le prochain bébé de Rikkha, leur groupe chéri.

Un tour de force

Et par la même occasion, ils en ont profité pour driver l’organisation des activités des Filles de Joie pour 2013. Année phare, puisque le Cabaret des Filles de joie soufflera ses 10 bougies, ainsi que le Collectif Surprise Party et Bison production, tandis que l’École passera le cap des cinq printemps. Autant vous dire que les mois qui s’annoncent vont être intenses. D’excellentes raisons pour coincer le couple terrible de la scène burlesque française dans son bureau afin qu’il réponde à mes questions.

On y arrive enfin (emplois du temps présidentiels obligent) et c’est devant une tasse de thé vert que nous nous retrouvons pour discuter. Le PBF 4 ? Ils en sont ravis, même si comme à chaque fois, ce fut un coup de poker dont ils ressortent épuisés : «il me faut un mois pour m’en remettre» me confie Juliette. Entre stress, fatigue, orga, do it yourself, il faut bien le reconnaître : le PBF est un tour de force que jamais ces passionnés n’abandonneraient. «On réussit chaque année le pari» commente Seb d’une voix calme ; un pari, c’est le mot puisque l’event tourne sans subventions ni sponsors tout en restant abordable au niveau des prix du billet. Gageure, challenge, … réussite.

« Dia de los muertos » et ode à la vie

Cette année de fin du monde, nos loulous ont misé sur le thème mexicain « El dia de los muertos ». Un thème dont ils ont repoussé les limites, élargissant le champ d’inspiration au Voodoo, à Halloween, des univers qu’ils adorent. Mais entendons-nous bien : pas de pathos, pas de macabre, ce festival devait être une «ode à la vie», dixit Juliette qui a appliqué ce principe au choix des numéros présentés. Critères de sélection : pas de gothique noir, pas de morbide. Du vivant, du beau, du drôle, du technique ! Bref du pro ! Quelque deux cent soixante dix candidatures épluchées plus tard, Juliette et Seb conservent les numéros les meilleurs.

Et ils n’hésitent pas à décrocher le téléphone pour demander aux filles de changer, modifier, accentuer leurs prestations. Ce qu’elles firent toutes avec le sourire et un très grand sens de la scène. C’est donc la crème de la crème qui est venu nous divertir sur le plateau de la Bellevilloise. Avec un gros coup de cœur de la part de Juliette pour la suédoise/chilienne Ivoncita qui se produira sur l’un des spectacles, dans le lodge, le peep show, et même durant la soirée, acceptant de danser sur de la musique live, «ce qui est rare» remarque Seb en connaisseur (n’oubliez pas qu’il est musicien et DJ).

Le sentiment d’ouvrir la voie

Avec un énorme élan de reconnaissance pour les bénévoles qui se sont impliqués dans la réalisation de ces quatre jours, «des rencontres émouvantes» précise Juliette. Avec une joie incroyable d’accueillir des personnalités aussi riches que Glory Pearl, des numéros aussi drôles que ceux des boylesques Gilbert de Moccos ou Wrong Note Rusty (Juliette s’en étrangle encore de rire en l’évoquant). Et le sentiment d’ouvrir la voie. Car si l’élection de la Miss n’est pas de tout repos, cette compétition ouvre bien des portes.

Certes, les jurés n’ont pas tous les mêmes valeurs, certains apprécient l’énergie pure, d’autres ne jurent que par la technicité, d’autres par les costumes, d’autres par la thématique : pas facile donc de trancher et c’est au point que tombera le verdict. Un verdict qui offre pas mal d’opportunités à la lauréate. Des cadeaux non négligeables : boa, corset, gants, … une panoplie appréciable dans cet univers où ces coûteuses fanfreluches sont autant d’accessoires précieux. Ajoutons que, outre un passage assuré dans l’une des revues du PBF suivants, la couronne de Miss donne accès à d’autres festivals prestigieux.

Le patrimoine du cabaret

Un sésame d’importance dans un milieu qui tend à se stabiliser après les folies du premier buzz. Il y a un an, on comptait environ trois soirées burlesques de qualité par semaine dans la capitale, aujourd’hui le mouvement cherche un second souffle : un phénomène dont Juliette et Seb ont conscience. Inscrit à part entière dans les arts scéniques, le burlesque n’a plus rien à voir avec cette image de «la p’tite grosse qui se désape». Il suppose du travail, de la recherche, de l’investissement. L’effet de surprise est terminé, reste l’implication et la passion : magnifier l’éternel féminin, «tuer le tabou du corps».

Pour y parvenir encore et toujours, le burlesque se tourne doucement mais sûrement vers les ressources et le patrimoine du cabaret. C’est du moins l’orientation privilégiée par le couple qui voit ses spectacles inspirés du music hall tourner à plein régime. D’où une nouvelle grille de travail : le Paris Burlesque festival toujours (ils ne rateraient ce rendez-vous pour rien au monde), un Klub des Filles de joie par mois, une Bellevilloise par trimestre. «Moins mais mieux» annoncent Juliette et Seb qui en parallèle tournent leurs regards vers l’étranger : USA, Istanbul, Belgique, Liban «où le strip-tease est interdit par la loi, … on ne le savait pas, nous» commente Seb avec un sourire malicieux.

On n’existera plus le jour où on n’aura plus besoin de nous !

Et la province bien sûr. Bref ça tourne, avec le désir affirmé de s’aérer la tête, de rencontrer des gens, de sentir d’autres tendances, de vivre un autre rythme. Et quelque part, de faire acte de citoyenneté, dans une société de plus en plus restrictive et sclérosée, avec des spectacles perçus selon Juliette comme des soupapes de sécurité, des respirations dans un climat restrictif de plus en plus difficile à vivre pour nous tous.

Car le burlesque connut l’oubli dans les 70’s, avec la libération sexuelle. Et Juliette la dragonne de faire ensuite référence aux Années Folles, entre deux guerres sismiques, où malgré la prohibition et la crise, l’écrivain Colette sut retourner les cœurs et les âmes en dansant nue. Conscients donc de jouer un rôle sociétal, Juliette et Seb me regardent malicieusement avant de conclure sur un éclat de rire : «On n’existera plus le jour où on n’aura plus besoin de nous !»

  • Merci à Juliette Dragon et Seb le Bison, pour leur temps, leur accueil, leur confiance et leurs réponses.
  • Merci également à Héloïse.
  • Photographies : Héloïse Siaud, Hervé Photographe, Aurore Belot, Frantz Marraud

Delphine Neimon

Posted by Delphine Neimon

Fondatrice, directrice, rédactrice en chef et rédactrice sur le webmagazine The ARTchemists, Delphine Neimon est par ailleurs rédactrice professionnelle, consultante et formatrice en communication. Son dada : créer des blogs professionnels. Sur The ARTchemists, outre l'administratif et la gestion du quotidien, elle s'occupe de politique, de société, de théâtre.

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