Hellfest 2012 / Iron ladies speaking : Interview de Lorène from Sleaze

La semaine dernière, Glade Stone Cherry succédait à Carline du Klub pour nous causer metal, hellfestitude et stoner. Sept jours plus tard, nous passons la main à Lorène, hellfesteuse comme il se doit quand elle ne prend pas la plume de correctrice/traductrice, l’objectif de la photographe … ou le micro de la chanteuse. Eh oui, la dame s’avère la front ladie du groupe Sleaze.

Le metal, elle le vit donc de plusieurs côtés, en backstage, sur scène, devant les crash barrières ou dans la fosse à l’occasion. C’est d’ailleurs en simple spectatrice qu’elle s’est rendu à Clisson. Mais c’est en pro et avec ses différentes casquettes qu’elle répond à nos questions. L’occasion de découvrir d’autres visages de la scène metal féminine et d’en savoir un peu plus sur l’esprit metal en général.


Présentez-vous : qui êtes-vous ? Que faites vous dans la vie ?

Alors, vous avez dix minutes ? Je suis donc Lorène Lenoir, 39 ans, fan de rock qui tape depuis… ouh là là, au moins 30 ans (mon premier 45T, c’était Kim Wilde, « Kids in America » à 6 ans, ça change de Chantal Goya). Dans la vie, je suis journaliste pour New Noise, photographe de concerts, traductrice de romans de bit-lit et correctrice. Parce que non, aucun de ces métiers pris individuellement ne me permet de manger à ma faim, et que j’ai besoin de variété. Je suis aussi chanteuse d’un groupe qui s’appelle Sleaze, pas tout à fait metal, mais aux fortes influences stoner rock.


Quelle est votre relation avec le monde du metal ? Comment avez-vous découvert cette musique ?

C’est assez vague… Dans mon enfance, j’aimais déjà les guitares électriques, mais mon adolescence s’est plutôt déroulée aux sons de la new wave, de la musique goth, puis du rock indé, de la shoegaze, ce genre de choses. Je n’étais pas très metal 80’s. Et puis, la découverte du grunge m’a amenée sur des territoires plus bourrins, en particulier les Melvins, Sleep, ce genre de choses, ainsi que Kyuss et Monster Magnet, ce qui a logiquement mené à un amour sans faille pour toute la scène stoner/doom/sludge. Et je constate que plus je prends de l’âge, plus je deviens fan de musiques extrêmes.



Comment définissez-vous ce genre ? Peut-on parler de culture metal ? En quoi ?
L’esprit metal, qu’est-ce que c’est selon vous ?

J’avoue une incapacité totale à caractériser le metal de manière globale. Mais il existe indéniablement un esprit metal, parfois même une fermeture d’esprit à d’autres musiques, d’ailleurs, ce qui est dommage. La culture metal ? J’aime beaucoup le contraste entre une musique souvent brutale et un public aux allures barbares, mais souvent d’une gentillesse incomparable.


Malgré une ouverture progressive, le metal est encore l’objet de sévères critiques. Comment expliquez-vous ce phénomène ? Comment selon vous agir pour révéler cette culture sans pour autant la trahir ou la banaliser ?

Les critiques n’ont aucun intérêt : elles viennent de personnes extrémistes, qui jugent sur l’apparence, et n’essaient pas de connaître cet univers. Comment l’expliquer ? Eh bien ça semble évident : c’est une contre-culture, les metalleux offrent une image qui ne s’insère pas aisément dans la « norme », la musique semble violente aux oreilles peu habituées (bon, aussi à celles qui le sont, j’avoue !). Je pense que déjà, en essayant de ne pas traiter le metal comme une scène homogène, mais en en révélant les nuances plus ou moins grandes existant entre les styles, y’aura du progrès. Mais à mon sens, le metal est aujourd’hui plutôt bien accepté, sauf par des imbéciles fermés d’esprit, et franchement, est-il nécessaire de se faire aimer de telles personnes ?



Comment jugez-vous la scène metal actuelle ? Quel type de métal écoutez-vous habituellement ?

Je suis ravie de voir que le metal prend de plus en plus d’importance, contrairement à pas mal d’amis qui regrettent de le voir devenir de plus en plus populaire – ou plutôt, « hype ». Bon, OK, ça signifie qu’on voit de plus en plus de hipsters dans les concerts, occupé à poster leurs photos sur Instagram plus qu’à écouter la musique, mais si ça peut rapporter des sous aux groupes que j’aime, je me dis que c’est tout bénef. Comme dit plus haut, de mon côté, tout ce qui est lourd, hypnotique et groovy, c’est mon dada !


Quels sont vos groupes favoris ? Vos influences de base ?

Les Queens of the Stone Age ont une importance cruciale dans ma vie – même si je ne souscris pas nécessairement à leur évolution vers une sorte de desert pop. C’est grâce à eux que j’ai décidé de me relancer dans le journalisme et de me mettre à la photo de concert. Sinon, dans mes favoris, on peut compter Goatsnake, Sleep, les Melvins, Clutch, Kylesa, tout ce que fait Scott Wino Weinrich, Baroness (même si le dernier album ne peut pas vraiment être qualifié de metal), Karma To Burn, Monster Magnet, Kyuss évidemment – et quelle tristesse de voir les anciens membres se déchirer ainsi -, mais aussi, dans un style différent, Mark Lanegan, Jon Spencer Blues Explosion, Mogwai, Nick Cave, P.J. Harvey, Peaches, My Bloody Valentine, McLusky et The Cure !



Les jeunes formations qui vous ont marquée ces temps derniers ?

Bon, pas toujours très jeunes, mais Red Fang, Year Of No Light dans leur plus récente incarnation instrumentale, Gonga, Truckfighters, Astrohenge, Black Tusk, les Toulousains de Drawers, Mars Red Sky, Los Disidentes Del Sucio Motel…


Être une femme dans l’univers du metal : est-ce facile ou pas ? Le milieu se féminise, dit-on.

Franchement, je n’ai jamais eu de problème. Probablement parce que je ne suis pas très fifille dans mon comportement. Bossant dans le milieu, j’évite aussi de faire la groupie, même si c’est parfois très tentant. Mais oui, en effet, le milieu se féminise, en tout cas de ce que je vois dans la scène stoner/sludge/doom, et je trouve que c’est une très bonne chose.



En quoi ? Avec quelles conséquences ? Quelles artistes metal sont marquantes à vos yeux ?

Je ne sais pas… J’ai un peu tendance à ne pas voir les gens comme appartenant à un sexe/genre avant tout… Dans les femmes musiciennes, je mentionnerais Laura Pleasant de Kylesa, Lori S., d’Acid King, Doro, bien évidemment, Joan Jett, Candice d’ETHS, Caro de Water Pipe Cult… mais ne goûtant que peu le metal symphonique où elles sont plus représentées, je dois avouer que j’aimerais voir plus de filles investir le domaine du doom !


Y a-t-il un archétype de la parfaite metalleuse ?

La perfection n’existant pas, je dirais que non. Mais j’apprécie les filles qui sont là pour le fun, la musique, plus que pour baver sur les chevelus sur scène !



Qu’est-ce que les femmes apportent exactement dans ce milieu ?

Boobs ? Bon, c’est un peu une tradition chez nous, avec les copines, on aime bien montrer nos seins, ça énerve pas mal de monde qui nous reproche de nous la jouer objets sexuels, mais bon… C’est politique, merde ! Pourquoi les mecs pourraient-ils se mettre torse poil et pas nous, hein ? Plus sérieusement, je ne pense pas que les femmes apportent quoi que ce soit de spécial, comme je le disais plus haut, pour moi, le fait d’avoir deux chromosomes X n’a pas grande influence sur l’amour de la musique…


Vous revenez du Hellfest 2012 : comment jugez-vous la programmation de cette année ?

À la base, je n’étais pas super emballée. Et puis, je me suis rendu compte que c’était chouette que pas grand-chose ne m’intéresse sur les Main Stages parce qu’ainsi, j’allais pouvoir profiter amplement des programmations de la Valley et de la Warzone (mes tentes de prédilection). En plus, n’ayant pas demandé de pass photo, contrairement aux années précédentes, j’ai pu vraiment me faire plaisir et éviter de courir de scène en scène. Accessoirement, le nouveau site est vraiment très cool, je trouve.




Quel regard portez-vous sur l’ambiance, le public ? En quoi est-ce un rendez-vous essentiel dans le calendrier metal annuel ? y a-t-il selon vous d’autres rendez-vous incontournables ?

Déjà, c’est le seul festival où je campe. Ça en dit long, car à mon grand âge, on aime bien avoir un vrai lit, et une douche chaude le matin. Eh bien, au Hellfest, je préfère passer mon temps avec les autres festivaliers, c’est un des festivals où je me sens le plus à l’aise. Car oui, j’aime bien me marrer comme une baleine, et les Hellfesteux sont souvent très drôles ! Oui, c’est un rendez-vous incontournable, qui marie quantité de styles différents (bon sang, je commence même à m’intéresser au black en partie grâce au Hellfest). Dans mon style de prédilection, je dirais que le tout nouveau DesertFest (j’ai fait celui de Londres, fabuleux), le Roadburn, évidemment (même si les gens sont bien moins fun) et les Up In Smoke sont incontournables. Je planifie aussi le DunaJam, ce festival qui se déroule au sud de la Sardaigne, sur la plage, pour l’an prochain, et le Stoned From The Underground, en Allemagne. Et j’aimerais mentionner aussi quelque chose qui n’est pas un festival, mais une série de concerts sur toute l’année, qui s’appelle les Stoned Gatherings, organisée par Mathieu Yassef aux Combustibles, une mine de découvertes fabuleuses, et bien entendu, le Glad Stone Fest, un festival organisé par une meuf de l’enfer que tu vas normalement interviewer aussi, et dont la prochaine édition sera programmée par une bande de trois filles incroyables, Glad Stone Cherry, donc, mais aussi Sofie Von Kelen, qui prépare un putain de bouquin sur les racines du metal, et Caroline In Chains, qui va révéler tout un potentiel de bookeuse de folie.


Merci à Lorène pour ses réponses et ses explications.

Et plus si affinités

http://www.hellfest.fr/
Hellfest 2012 / Iron ladies speaking : Interview de Carline from Le Klub
Le Klub passé au crible / Part 9 : Stoner deep in your soul !!!!
Hellfest 2012 / Iron ladies speaking : interview de Glad du Gladstone Fest
Delphine Neimon

Posted by Delphine Neimon

Fondatrice, directrice, rédactrice en chef et rédactrice sur le webmagazine The ARTchemists, Delphine Neimon est par ailleurs rédactrice professionnelle, consultante et formatrice en communication. Son dada : créer des blogs professionnels. Sur The ARTchemists, outre l'administratif et la gestion du quotidien, elle s'occupe de politique, de société, de théâtre.

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