Opéra de Lyon / Le Messie de Haendel : l’alliance du sacré et du moderne

Le Messie est un oratorio composé en 1741 par Georg Friedrich Haendel ; considéré comme un chef d’œuvre du genre, il est actualisé par Deborah Warner en ce temps de l’avent à l’opéra de Lyon. La métaphore poétique s’élève, l’œuvre est spectaculaire et l’adaptation éblouissante. Durant trois heures, les voix du chœur nous enchantent, les décors nous éblouissent et la musique nous transporte.

De cette œuvre majeure de la musique classique on a souvent retenu le fameux « Alléluia » mais on ne peut la réduire à ce passage. Le Messie est en effet une œuvre totalement atypique en trois parties. Contrairement à Jephté ou Samson, cet oratorio est chrétien, même protestant, mais personne n’est exclu, il n’est pas besoin de croyance religieuse pour se sentir transporté par la puissance du spectacle. Pourquoi une œuvre profondément religieuse réussit-elle à toucher n’importe quel public ? Parce que ce sont les choses ordinaires de nos vies qui y sont présentées. Pas besoin de long discours théologiques ici on assiste à la naissance, la mort, l’amour, la fraternité et la rédemption. Ainsi on peut y voir une spiritualité débordante d’émotions.

La metteur en scène, Déborah Warner est née dans une famille anglaise, elle fonde à 21 ans sa propre compagnie de théâtre, le Kick Theatre. On lui doit la mise en scène de Titus Andronicus de Shakespeare, Oh les beaux jours de Beckett, Hedda Gabler ou La Maison de poupée d’Ibsen … L’intelligence de sa mise en scène du Messie réside sûrement dans cette alliance risquée : faire ressortir une incroyable accessibilité tout en gardant une profondeur extraordinaire. En effet, quel pari que d’adapter cette œuvre baroque dans un décor contemporain, avec des écrans passant des images de nos grandes villes, des acteurs habillés en jeans, des parents avec des smartphones et même des jeunes dansant du Hip Hop. Ce parti pris de modernité se trouve ici au service de l’œuvre, il engage le discernement du spectateur et actualise des propos bibliques pouvant paraître parfois dépassés. En ce sens une scène est particulièrement remarquable : l’illustration de la brebis égarée nous montre un décor de gare routière où chacun semble avancer sans but.

Les choristes qu’on voit souvent figés sont ici en mouvement. Ils ne se contentent pas de chanter, ils jouent et dansent et ainsi donnent vie à l’histoire. Cette histoire que nous connaissons tous par cœur est réinventée. La passion, si tragique dans son décor rouge puis noir, ne nous montre pas la souffrance habituelle. Ici c’est l’humiliation qui prend chair, l’abaissement est encore plus impressionnant que la violence physique. Un homme ouvre un paquet, il reçoit une couronne dorée signe de puissance et sa couronne d’épine symbole d’humiliation. Cet acte II, faisant suite à tout le bonheur de la naissance où résonne le si impressionnant « For unto us a child is born », s’achève sur le « Hallelujah » repris par tous les choristes. La petite histoire veut que par tradition les britanniques se lèvent lors de l’exécution de ce moment à chaque concert. En effet selon la légende le roi se serait levé lors de la première en entendant l’explosion de joie où l’on chante « For the Lord God omnipotent ». Ce soir là, à l’opéra de Lyon personne n’était debout mais la prestation était à la hauteur.

Le troisième acte est celui de la résurrection. La mort envahit la scène, on y voit des corps allongés sur des tables en verre et un lit d’hôpital au milieu. La puissance tragique est sans nom. L’excellente soliste Sophie Bevan agonise dans ce grand lit hospitalier sous les yeux du médecin et de l’infirmière impuissants. Mais l’espoir est là, un petit enfant, fil rouge de l’opéra, engendre la résurrection de chacun en apportant un souffle de vie. L’humanité est ici mise en avant avec toute la dimension tragique de notre expérience humaine, celle qui nous conduit irréversiblement vers la mort. Mais par la musique de Haendel il y a une rédemption, il y a un après, une résurrection pour les croyants et une continuité pour les autres. Chacun se retrouve, l’œuvre va se terminer, le public retient son souffle.

Une mise en scène magnifique au service d’une œuvre magistrale nous enchante. La modernité est au service de notre propre identification, on rit, on sourit, on pleure et on admire. Par cette représentation c’est Haendel qui ressuscite.

Vidéo : Télé Lyon Métropole

Et plus si affinités

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Clotilde Izabelle

Posted by Clotilde Izabelle