Inauguration du nouveau Bateau Feu – Dunkerque : pour un futur culturel radieux

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Hélène Cancel nous avait prévenus lors de notre entretien : l’inauguration du nouveau Bateau Feu serait à la hauteur des trois ans d’errance imposés par sa reconstruction. Nous confirmons : en accueillant Le Roi Lear de Schiaretti en cette soirée du 6 juin 2014, la directrice de la Scène Nationale Dunkerque a d’emblée mis la barre haut et tapé fort. Très fort. Programmer le chef d’œuvre de Shakespeare est déjà en soi un signe, le programmer lors de l’intronisation d’une salle de cette importance relève du symbole. Et de l’acte militant. Surtout quand le spectacle est signé de la main d’un metteur en scène prestigieux, interprété par des acteurs de l’envergure d’un Serge Merlin et produit par le TNP.

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Spectaculaire, la mise en scène a permis d’exploiter les nouvelles fonctionnalités de ce théâtre flambant neuf. Sono, éclairages, acoustique, ce Roi Lear convenait parfaitement pour « en mettre plein la vue » à grands renforts d’effets spéciaux : terre tombant sur le plateau, parquet qui claque aux talons, éclairs et tonnerre ponctuant la scène de la folie, scènes de bataille, duels à l’épée … pendant toute la représentation, nous avons renoué avec la magie shakespearienne, dans la même ferveur que les spectateurs du Globe il y a cinq siècles. Programmer le chef d’œuvre de Shakespeare fut aussi un geste fort car joué devant un parterre de personnalités politiques et d’acteurs sociaux, investisseurs et décideurs, auxquels se mêlaient de simples amateurs, des habitants de Dunkerque. Une représentation gratuite, qui annonçait magistralement les nouvelles orientations du théâtre en matière de stratégie de programmation. Car qui dit nouvel équipement dit nouvelles possibilités.


Théâtre Le Bateau Feu / Scène nationale… par lebateaufeu

Et il faut l’avouer, la métamorphose du bâtiment est impressionnante. De la construction initiale, datée des 60’s, il ne demeure que le souvenir. En place de la façade grise et abîmée, c’est désormais une aile de verre qui ouvre l’espace à la lumière, la laissant entrer à flots sur un espace dédié à la rencontre, à l’échange, un patio que les dunkerquois peuvent fréquenter jusque tard dans la nuit, dans la convivialité d’un bar où le rouge réchauffe le blanc des murs, le beige du sol. Cette transparence abrite désormais deux salles, une petite dont les 189 places rétractables surplombent un espace de jeu de plein pied propre à toutes les possibilités, une salle plus grande de 708 places, équipée d’une fosse d’orchestre pour 65 musiciens, d’un plancher modulable et d’un espace scénique doté d’une infrastructure automatisée. Les loges sont à l’encan, de même les salles d’échauffement, les coulisses, l’administration, désormais agrémentée d’une véritable salle de réunion.

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Fierté palpable et justifiée de l’équipe entière devant le tour de force des architectes Blond&Roux, qui ont su métamorphoser l’endroit sans l’abattre, construisant autour de la coque de base. Là aussi un choix perspicace que ces spécialistes aux références illustres, notamment l’Ecole Supérieure Nationale des Arts de la Marionnette à Charleville-Mézières, l’espace multimédia de la Maison de la RATP ou la restructuration du Beffroi à Montrouge. Ainsi pensé, le nouveau Bateau Feu peut voguer sur les hauts-fonds culturels, capable désormais de faire tourner les deux salles simultanément, et de recevoir des spectacles d’envergure, des opéras également. L’art lyrique : un secteur qu’Hélène Cancel compte bien mettre à l’honneur, tout autant que le monde de la marionnette, que Dunkerque s’apprête à héberger en la personne de Claire Dancoisne et son Théâtre de la Licorne.

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Elitiste ? Que nenni, et la politique tarifaire situe la place aux alentours de 8 euros, sans obligation d’abonnement. Flexibilité, ouverture, liberté : ici chacun se sent chez soi, au point que les habitants pourront continuer à participer aux spectacles en tant qu’intervenants amateurs, habitude prise du reste pendant les itinérances du Bateau feu au travers du territoire. Ce vagabondage a eu du bon qui a rapproché, soudé le public et son théâtre. Une appropriation qu’il convient de saluer et d’apprécier à sa juste valeur. Une appropriation qui démontre les effets d’une politique culturelle au long cours, patiemment développée, enrichie des passions et des convictions de chacun. Au moment où la France rugit des colères intermittentes, le Bateau Feu démontre dés sa soirée d’inauguration combien les professionnels de la culture sont essentiels à nos vies, à nos équilibres et à notre avenir.

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Il convient en effet de ressituer ce nouveau théâtre dans un ensemble plus vaste, ce foisonnement artistique issu de Dunkerque 2013 : nous en avons observé le bouillonnement un an durant. Aujourd’hui la ville de Jean Bart constitue une étape portuaire de très grande envergure dans le paysage européen, un passage obligé ainsi que le démontre le Musée portuaire. La ville doit en conséquence accompagner ce rayonnement d’une infrastructure touristique conséquente. Elle doit aussi englober une politique culturelle à la hauteur de ces prétentions économiques. C’est désormais chose faite avec ce Bateau feu paré pour sillonner les océans créatifs du présent et du futur.

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Un grand grand grand merci à Hélène Cancel et à toute l’équipe du Bateau Feu – Scène nationale Dunkerque pour leur accueil.

Et plus si affinités

http://lebateaufeu.com/

Delphine Neimon

Posted by Delphine Neimon

Fondatrice, directrice, rédactrice en chef et rédactrice sur le webmagazine The ARTchemists, Delphine Neimon est par ailleurs rédactrice professionnelle, consultante et formatrice en communication. Son dada : créer des blogs professionnels. Sur The ARTchemists, outre l'administratif et la gestion du quotidien, elle s'occupe de politique, de société, de théâtre.

Website: https://www.theartchemists.com