Fête de l’Humanité : No one is innocent – l’engagement par la passion.

On va la faire clair et net, cette rencontre on la préparait depuis un certain temps. Depuis Temporock pour être exact, et notre conversation post concert autour d’un verre de rhum. Le sujet est venu assez vite : année électorale, art, engagement, … de mails en message, Kemar avons trouvé un créneau pour nous rencontrer. Leur participation à la Fête de l’Huma coïncidait avec mon passage à Paris.

Il y a le hasard et ce qu’on en fait. Forte de ce principe, j’ai monté le questionnaire, pris mon accred er rejoins les backstage de la scène Zebrock à 17h. Pourquoi les No one ? Réponse simple : outre le concert décoiffant que j’avais vu au Pont du Gard et une musique particulièrement décoiffante, les No one ont a leur crédit 30 ans de bourlingue et des textes ravageurs.

S’ils kiffent la scène, ils se posent également là comme des contestataires d’envergure, avec le sens de la formule, du phrasé juste et du mot qui fait mal. Leur dernier album confirme du reste les précédents dans la lignée « On a des choses à dire et on sait se faire entendre ».Normal avec un chanteur juif pied-noir par sa mère, arménien par son père. « Au niveau familial, ça veut dire que tu as deux génocides sur les épaules et que tu es constamment dans des discussions sur ce qui s’est passé. On t’apprend ce qui s’est passé, et ton esprit est forgé avec ça, en toute tolérance, sans haine. » Explication carrée, calme, pas de non-dit. On se construit sur ce qu’on est.

Ligne directrice et clé de tout un entretien qui n’a rien d’un blabla conventionnel. Chassés par une pluie torrentielle du plateau Zebrock inondé, les No one se réfugieront sur le stand du Cher pour un concert improvisé qui emballera littéralement le public. Ambiance de folie, adaptation aux circonstances, impro, proximité, efficacité. A l’image d’une carrière vouée à la passion … et à l’action qui va avec.

Entretien.

Pour toi, être un article engagé, ça représente quoi ? Est-ce facile de s’engager aujourd’hui ?

Le vrai rapport entre art et engagement, le point central de tout, c’est la passion. C’est-à-dire qu’il faut que la passion de la musique et la passion de l’engagement soient réunies pour que ça fonctionne.

No one s’est construit sur le terrain, nous avons traversé des conditions vraiment difficiles : être payés au lance-pierre, jouer partout sans rechigner, …c’est là qu’on forge une vraie identité par rapport au discours que l’on tient. C’est la passion qui fait qu’à un moment donné, ça tient vraiment.

C’est un peu le discours que je tiens aux jeunes groupes qui viennent me voir : « Si vous avez la passion vous allez tenir, si vous la perdez en route, vous n’avez pas le truc ».

Ça c’était pour la musique. Après pour l’engagement proprement dit, cela relève de qui tu es, d’où tu viens, quel est ton parcours familial, tes origines, comment tu t’es forgé intellectuellement au sein de ta famille.

Quels sont tes combats ? Comment ton art t’aide-t-il à les mener? Ont-ils évolué en 20 ans de rock ?

Pour moi la démarche est toujours la même. L’indignation, ça n’est pas une mode, c’est un truc qu’on a constamment revendiqué avec No one, depuis le début. On a eu l’exemple de nos grands frères : les Bérus, la Mano, Noir Désir, … en dehors, ça a été le MC5, Bob Marley, … ces grands frères nous ont montré qu’en utilisant la musique, on pouvait dire et créer des choses. C’est surtout la Mano Negra qui constituait une tête de file, ça m’a tellement marqué que je me suis dit : « un jour je ferai un groupe et j’essayerai de faire ça ». Avec No one, on n’a jamais eu un public de fans complètement délirants à la bruelmania, on n’a jamais vendu des milliards d’albums, on est toujours resté dans la réalité. C’est ça qui fait rester les pieds sur terre, c’est ça qui fait que quand une asso nous appelait pour venir les aider à soutenir artistiquement un évènement, si on était là, on y allait : Act Up, Ras le front, RESF, Jeudi Noir, …

Ce qui m’a toujours plu, c’est d’utiliser la musique comme une arme pour faire des choses, pour passer un message aux militants. Soyons francs, nous ne sommes pas des militants au quotidien, notre militantisme s’exprime dans la musique. L’élément moteur de tout ça, c’est notre passion pour la musique. Notre action, c’est de monter sur scène et le temps d’un concert ludique où les gens viennent prendre du plaisir, d’essayer pendant quelques secondes de leur faire avoir une conscience politique, de les faire repartir avec quelque chose.

Chile




Le groupe existe depuis 20 ans. Il y a eu plusieurs formations qui se sont succédées. Ces changements ont-ils influencé votre manière de vous indigner ou est-ce que ça a été toujours la même chose ?

Ça a toujours été la même chose. La seule chose qui a changé, c’est la manière de faire les albums. Je me suis toujours dit : Il ne faut jamais faire le même album, en terme de son, de production, de façon de composer. Toujours se réinventer, se renouveler. Toujours se poser les mêmes questions : est-ce qu’on a des choses à dire, à prouver ? Toujours se poser ces questions-là, avant chaque album. Mais la démarche revendicative reste la même.

Nous voici à la Fête de l’Huma. Est-ce un hasard de la prog ou un choix délibéré d’être ici ce soir ? Qu’est-ce que ça représente pour toi ? Est-ce que vous allez vous lâcher ?

Oui, il y a des choses à dire. Ce n’est pas un festival de rock ici, c’est une fête populaire, fraternelle, une porte ouverte sur le monde. J’y vais depuis que je suis ado, mon père nous y emmenait avec ma sœur et pourtant il avait plutôt des idées de droite, mais pour lui c’étaient des choses qui existaient et il voulait nous les montrer.

Jouer dans une fête qui se rapproche de nos idées politiques – nous avons plus des idées de gauche que de droite – c’est une manière pour nous d’affirmer ce que nous racontons.

La peau




2012 va être une année électorale importante. Comment vas-tu l’aborder en tant qu’artiste ? Il y a déjà eu un album début 2011. allez-vous tabler sur une tournée, des évènements spécifiques ?

2011 – 2012 : même combat. On a toujours 2002 dans la tête. Donc cet été, je me suis dit il y a quelque chose à faire avant les élections. Et j’ai décidé d’organiser un gros concert au Zénith avec comme but d’inciter les jeunes à s’inscrire sur les listes électorales. Je suis en train de le préparer avec un producteur, j’ai pris mon carnet d’adresses, j’ai contacté des groupes que je connais et qui s’inscrivent dans le même esprit d’engagement que nous pour les faire participer.

Durant notre tournée d’été, en rencontrant notre public, nous avons senti qu’il y avait un discours vraiment mauvais qui s’installait : « De toute façon, ça ne sert à rien de voter, ils sont tous pourris ». Et ça c’est super dangereux. On ne veut pas jouer les moralistes mais on veut faire comprendre que la contestation, ça passe aussi par les urnes.

Je mets toute mon énergie dans ce projet : il y a déjà les Têtes Raides de confirmées, Eiffel, les Fatals Picards, nous, j’ai branché d’autres groupes, j’attends la présence des Ogres de Barabck, de Zebda, … Ce concert, c’est un prétexte. C’est ce que j’expliquais à l’adjoint de la culture de la Mairie de Paris qui est prêt à nous aider.

Ce qu’on veut c’est une place à 17 euros, et 5 euros de moins pour les jeunes inscrits sur liste électorale depuis un an. C’est mon cheval de bataille, il faut toucher les média et j’ai demandé à chaque groupe impliqué de prendre du temps pour prendre du temps sur leur planning pour défendre cette idée : la contestation passe par les urnes.

Faire la révolution, c’est un travail de politique ou une vocation d’artiste ?

C’est une vocation de citoyen. Regarde le Printemps arabe, c’est une révolution de citoyens.

Revolution.com




Merci à Kemar pour son temps et ses réponses.

Merci à Hélo pour ses photos.

Meric aux gentils vidéastes qui m’ont permis d’illustrer cet article.

Et plus si affinités

http://www.nooneisinnocent.net/

http://www.myspace.com/myspaceisinnocent

Série Fête de L’Humanité 2011

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Delphine Neimon

Posted by Delphine Neimon

Fondatrice, directrice, rédactrice en chef et rédactrice sur le webmagazine The ARTchemists, Delphine Neimon est par ailleurs rédactrice professionnelle, consultante et formatrice en communication. Son dada : créer des blogs professionnels. Sur The ARTchemists, outre l'administratif et la gestion du quotidien, elle s'occupe de politique, de société, de théâtre.

Website: https://www.theartchemists.com